samedi 4 mars 2017

Un art de la confiance

Le mois dernier, j’ai eu la chance de participer au tout premier stage sur la Confiance organisé par l’École occidentale de méditation. 

Au fil des jours, nous avons exploré comment la Pleine présence, en nous réaccordant à la vie, ouvre à un sens profond de confiance, comment cette confiance se déploie dans nos vies et comment la dépression ordinaire par exemple, peut se transformer en un sens d’allant brillant et fécond.

Clarisse Gardet et Marine Manouvrier ont déployé d’une manière absolument superbe ce qu’elles ont nommé un art de la confiance ! J’ai trouvé profondément éclairant et aussi très inspirant de nommer ce chemin dans la confiance un art. 

Découvrir qu’il existe un art de la confiance c’est par exemple voir que tout peut être l’occasion de manifester beauté et dignité. Le moindre geste – s’habiller, préparer sa valise, écrire une lettre (ou un mail) – lorsqu’on y porte vraiment attention, peut contribuer à rendre le monde plus beau et peut ouvrir à un sens plus vaste de confiance. 

Tout en pensant à ce que j’avais vécu lors de ces cinq jours de stage particulièrement riche, je suis tombé sur ces merveilleuses lignes de l’écrivain Stefan Zweig dans son autobiographie Le Monde d'hier, souvenirs d'un Européen, où il parle de son ami, le poète Rainer Maria Rilke. 

« Bien que ses ressources fussent des plus modestes, ses vêtements attestaient toujours la perfection du goût, du soin, de la propreté. Ils étaient, eux aussi, un chef-d’œuvre concerné, un chef-d’œuvre composé en vue de n’attirer point l’attention, et cependant toujours avec une note toute personnelle, et encore qu’à peine perceptible, un petit accessoire dont il se charmait en secret, comme par exemple, un mince bracelet d’argent autour du poignet. Car jusque dans les choses les plus intimes et personnelles, il mettait son goût de la perfection et de la symétrie. Un jour, je le regardai faire sa malle à la veille d’un départ – il déclina avec raison mon aide en arguant mon incompétence. C’était comme un travail de mosaïste ; chaque objet était déposé je dirais presque avec tendresse à la place qui lui avait été soigneusement ménagée. J’aurais considéré comme une profanation de déranger par mon aide indiscrète cet assemblage précieux comme une fleur. Et ce sens élémentaire de beauté l’accompagnait jusque dans les détails les plus secondaires ; ce n’est pas seulement ses manuscrits qu’il calligraphiait si soigneusement de sa belle écriture arrondie, que les interlignes semblaient mesurées au mètre pliant ; même pour la lettre la plus insignifiante il choisissait de beau papier, et son écriture régulière, pure et arrondie, allait rigoureusement jusqu’à la marge qu’il réservait. Jamais il ne se permettait un mot raturé, même dans les communications les plus hâtives, mais dès qu’une phrase où expression ne lui paraissait pas avoir toute sa valeur, il récrivait la lettre entière avec sa magnifique patience. Jamais Rilke n’a lâché quelque chose qui ne fut pas absolument achevé. » 

Pour ma part, je trouve que ces lignes résonnent magnifiquement avec cet art de la confiance que l’on découvre grâce à la pratique de la méditation...

Guillaume Vianin
Neuchâtel

2 commentaires:

  1. C'est magnifique... et tétanisant. Concilier "Foutez vous la paix" et de telles aspirations perfectionnistes reste une gageure (pour moi). :-)

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  2. Merci Frédérique pour ton commentaire, je ne voulais tétaniser personne en citant Stefan Zweig décrivant Rilke :-) !
    Mais ce que tu dis me fait penser que "foutez-vous la paix" n'est peut-être pas sans rapport avec l'aspiration de faire sa valise avec "tendresse" comme le dit de manière si belle Zweig et qu'il ne s'agit pas forcément d'être perfectionniste mais juste de poser une délicate attention à ce que l'on fait... et si ça devient perfectionniste c'est là qu'on peut justement...se foutre la paix...
    bien tendrement, Guillaume

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