mercredi 30 mars 2016

Un cadre à définir

Lors d’une séance de méditation avec des enfants, la position de l’adulte est double. En effet il est indispensable qu’il participe en pratiquant lui-même avec les enfants et n’adopte pas une posture de supériorité hiérarchique. À la fois organisateur et participant, il doit trouver le ton et l’attitude justes. Dans le cas des parents avec leurs enfants, des enseignants avec leurs élèves ou des animateurs avec leur groupe, c’est une gageure.
L’enjeu pour l’adulte est de créer et d’entretenir un cadre pour transmettre la méditation et la laisser œuvrer. En assumant de faire son propre chemin, tout comme l’enfant, en explorant et découvrant la pratique, sans préjuger de ce qu’il advient. En préservant l’autorité qu’il représente et exerce naturellement, principe qui structure et rassure l’enfant. En ne se laissant pas influencer par le comportement habituel de l’enfant – s’il est dissipé par exemple –, et dans le cas des enseignants, par l’image de l’élève, construite à partir de son attitude en classe et de ses capacités scolaires. 

Pour cela, un cadre est à définir hors de celui des modes éducatifs habituels ou de celui de l’enseignement théorique. 
À chacun de l’inventer car chaque situation est unique et différente. 
C’est votre intuition qui vous dictera la façon d’agir la plus adaptée, que vous soyez seul avec un enfant, en groupe, en classe ou en famille.

Extrait de l'ouvrage "Méditer avec les enfants" Livre de Poche.
Clarisse Gardet 
Paris

mardi 29 mars 2016

Ensemble, explorer la méditation

Lors du dernier stage de méditation organisé par l’Ecole en Normandie, j’ai été particulièrement frappé par le rôle insoupçonné que joue l’ensemble des participants dans l’exploration de la pratique.
Il peut sembler au premier abord que le fait de pratiquer à plusieurs n’est pas si important – comme la méditation nous permet d’entrer en rapport à soi, on pourrait penser que le faire seul ou le faire à plusieurs ne change rien. Et pourtant, le dernier stage m’a à nouveau fait découvrir un espace où pratiquer ensemble devient une profonde ressource ainsi que la source de nombreuses découvertes.
 
Pratiquer en groupe durant plusieurs jours c’est d’abord partager une aventure commune. On découvre une manière d’être ensemble tout à fait inhabituelle dans un silence qui nous garde et nous relie les uns aux autres.
 
Au fil des jours, on sent que l’on n’est pas seul à rencontrer des difficultés, que tous, nous traversons des moments plus tempétueux et cela donne le courage de continuer. Le groupe rend l’expérience de la pratique plus réelle, aide à ne pas s’enfermer en soi. 

Pratiquer dans ces conditions montre bien que la méditation ne peut être réduite à une expérience vécue dans son intériorité. Au contraire, parce qu’on est tous ensemble, en silence, on reconnaît mieux cet accord presque imperceptible qui nous relie aux autres et au monde. 

Guillaume Vianin
Neuchâtel

lundi 28 mars 2016

La formule magique pour les enfants : rien à réussir

Il est indispensable, avant chaque séance de méditation avec des enfants, de se rappeler et de rappeler aux enfants l’originalité de la méditation : la méditation ne sera ni ratée ni réussie. Pour eux comme pour nous.
Je constate régulièrement lorsque j’anime des groupes que ce changement de perspective n’est pas intégré tout de suite, tant l’enfant est habitué à être stimulé par des défis à relever, ou à des épreuves assorties de classements et/ou de récompenses pour les plus performants, même dans les activités de loisirs.
Pourtant cette absence d’enjeu constitue le renversement opéré par la méditation, en signifiant qu’il existe une possibilité d’être pour un moment comme on est, sans rien à changer, sans qu’il manque quoi que ce soit. Cela procure un soulagement très profond.
Mais pour l’expérimenter pleinement, il est important que nous, adultes, luttions contre notre tendance à utiliser la méditation pour que les enfants soient plus calmes ou à leur faire des reproches s’ils ne suivent pas à la lettre les consignes que nous donnons.
Les réactions des enfants sont tout à fait différentes de celles des adultes. La méditation n’est pas mieux réussie si l’enfant a bougé ou s’il est resté « sage comme une image ».

Extrait de l'ouvrage "Méditer avec les enfants" Livre de Poche.
Clarisse Gardet
Paris

dimanche 27 mars 2016

Voir

Ce week-end je tourne les pages d’un très grand livre que ma fille m’a offert : « Matisse, les papiers découpés » une merveille éditée par Taschen en 2014.

J’y découvre la phrase suivante, d’une actualité percutante, et qui me semble une belle description du mouvement de la méditation :

« Voir c’est déjà une opération créatrice et qui exige un effort. Tout ce que nous voyons, dans la vie courante, subit plus ou moins la déformation qu’engendrent les habitudes acquises, et ce fait est peut-être encore plus sensible en une époque comme la nôtre, où cinéma, publicité et magazines nous imposent quotidiennement un flot d’images toutes faites qui sont un peu dans l’ordre de la vision, ce qu’est le préjugé dans l’ordre de l’intelligence. L’effort nécessaire pour s’en dégager exige une sorte de courage. »

Henri Matisse a écrit cela en 1953 ( voir Ecrits et propos sur l’art) avec une force visionnaire qui se confirme aujourd’hui, où les sollicitations visuelles, intellectuelles, publicitaires rendent le geste de la méditation plus salvateur que jamais.

La méditation nous aide en effet à développer une forme d’intelligence, une vue plus claire sur les choses et le monde, un regard neuf qui tente, avec courage et patience, session après session, de se dégager des préjugés. 


Marie-Laurence Cattoire
Paris

jeudi 24 mars 2016

L’unité de l’expérience

Hors méditation, nous sommes souvent saucissonnés en mille morceaux assez mal ajustés les uns aux autres.
Un morceau pour la liste de courses du soir, un morceau pour cet énième mail, un morceau pour les infos du monde, un morceau pour ce cœur qui parfois se rappelle à nous, encore un autre pour ces articulations douloureuses … Nous ne sommes plus qu’un empilement de morceaux !

Et puis vient le cadeau que l’on se fait, celui de s’assoir, sur ce carré ami qui sait nous accueillir pour la pratique.

Il faut du temps parfois pour faire exploser tous ces morceaux comme une coque d’amande, pour sentir un corps, pour enfin relier sensations et perceptions et pour remarquer que rien n’est séparé, qu’il y a un point de centre à partir duquel tout se déploie.

Il faut du temps pour voir que c’est notre esprit qui découpe et hache l’expérience pour aller plus vite, pour mieux « fonctionner ».

Il faut du temps​ enfin​ ​​pour voir que nous ne sommes pas tous ces morceaux​.​

​D​écouvrir ce qu​'il y a de plus unitaire et de plus sauf en nous​ ​et à nous ​y ​relie​r​, c'est le cadeau de la pratique de la méditation.

Marine Manouvrier
Bruxelles

mardi 22 mars 2016

Mais il est où, l’esprit ?

Je respire, posée sur mon coussin.
L’attention suit lentement l’expir.

Une buche dans le poêle craque.

Le chant des oiseaux du soir enveloppe la cabane.

Au loin, une cloche.

L’attention régulièrement suit l’expir.

Une pensée est là, venant de nulle part.
La regarder, un peu.
Elle est sans forme et n’est produite par rien.

L’attention se pose délicatement sur l’expir.
La pensée se dissout, nulle part.

Suivre l’expir, encore.

L’attention est teintée d’un brin d’angoisse.
Fraction de seconde qui sépare l’expir de l’inspir.
L’expir s’allonge, un peu.

Les oiseaux se sont tus, à la faveur de la nuit.

D’esprit, pas de témoin.

Marine Manouvrier
Bruxelles

lundi 21 mars 2016

Méditer c’est d’abord, juste s’asseoir

Trouver son assise : ajustement de posture pendant un stage.
Cet enseignement élémentaire m’échappe souvent.

C’est pourtant le plus simple, mais comme le rappelle souvent Fabrice Midal : « le plus simple est souvent le plus difficile ».  
C’est profondément vrai ici. Le fait de ne rien avoir à réaliser, ni à construire, est un véritable défi pour notre temps. Nous sommes tellement conditionnés à penser notre existence dans le prisme du multitasking* qu’il semble impossible de ne faire qu’une seule chose à la fois : juste s’asseoir.

C’est simple mais tellement profond. Il ne faut alors pas entendre le simple comme l’absence de complication : le simple c’est mettre les conditions pour toucher ce qui est essentiel, toucher ce qui nourri le profondeur de notre existence.
Juste s’asseoir, c’est nourrir la profondeur de notre existence.
Il n’est donc pas question ici de s’asseoir pour ne plus être débout mais de s’asseoir au sens d’avoir une assise, de trouver son assise. 

On voit en français comment cette expression « il a une bonne assise » désigne un être qui dégage une forme de confiance, il est bien établi dans sa vie, dans son existence. C’est très littéral et ce n’est pas un hasard si quelqu’un est bien assis.

Commencer par avoir une bonne assise c’est donc l’ingrédient initial de la confiance et de la dignité d’être.

Mathieu Brégegère
Paris

* Terme anglophone désignant le fait de pratiquer plusieurs activités en même temps et plus précisément d’utiliser plusieurs moyens de communication de manière simultanée.

dimanche 20 mars 2016

Aimer la vie

Virginia Woolf, Romans & Nouvelles, trad.Pascale Michon.
En ce moment, je relis Mrs Dalloway, étonnant roman de Virginia Woolf, écrit avec subtilité et justesse, entre deux guerres, par une femme exceptionnelle de sensibilité. 
De nombreux passages me rappellent la pratique méditative et son souci de développer attention et bienveillance ; l'auteur décrit la qualité de silence, quasi solennel qu'elle ressent parfois, un indéfinissable suspens juste avant le son d'une cloche, ou encore l'indéfectible amour pour la vie qu'ont naturellement tous les êtres humains :

"Dieu seul sait pourquoi on l'aime tant, pourquoi on la voit ainsi, pourquoi on la crée, on la construit tout autour de soi, on la renverse et on la réinvente à chaque instant ; et pourtant, les vieilles les plus mal fagotées, les miséreux les plus abattus, assis au seuil des portes (déchus par la boisson) font de même ; pas une loi, elle en était sûre, n'aurait prise sur eux pour cette même raison : ils aiment la vie. dans les yeux des gens, dans les pas alertes, lourds, fourbus ; dans les cris et le tumulte ; les attelages, les voitures, les omnibus, les camions, les hommes sandwiches au lent dandinement ; les orchestres de rue ; les orgues de barbarie ; dans le triomphe et le cliquetis et dans le chant étrange d'un avion haut dans le ciel, au-dessus de nos têtes, était ce qu'elle aimait : la vie ; Londres, ce moment de juin."

Plusieurs choses me touchent dans cet extrait : 
la description du mouvement de l'esprit, capable de réinventer la vie à chaque instant... 
Le fait que nous ne puissions jamais préjuger de la force vitale de chacun, quelle que soit sa situation... 
Et puis cette vie, pleine, sauvage, ni calme ni "zen" mais complètement vibrante, qui habite les bruits, les mouvements, l'espace de ce moment de juin, à Londres, en 1923.

La méditation m'aide à réinventer ma vie à chaque instant, me donne la possibilité de la revoir à neuf, autant que de l'apprécier dans son tumulte, son chaos, sa vitesse assourdissante qui contient pourtant toujours silence et triomphe.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

samedi 19 mars 2016

Rien à faire ni à réussir

L’absence de but défini à l’avance ou de volonté de réussir quoi que ce soit est une caractéristique essentielle de la méditation.
Pour les adultes qui commencent à méditer, cette non-action est perturbante. En effet, notre vie est en général trop remplie, aussi bien dans nos activités professionnelles que personnelles. « Ne rien faire » n’a pas bonne presse, et lorsque le trop-plein s’arrête, le calme est assimilé au vide et fait peur ou déstabilise.
La situation des enfants est différente. En effet, bien que soumis également à un rythme de vie souvent très soutenu, certaines de leurs activités n’ont pas d’objectif ou de performance à la clé, notamment lorsqu’ils jouent.
Néanmoins, par souci de leur permettre de capitaliser des connaissances le plus tôt possible, les jouets ou jeux classiques purement récréatifs sont souvent assortis d’une visée éducative, comme celle de se familiariser aux langues étrangères. Les consoles, tablettes et jeux interactifs pour « apprendre en s’amusant » se multiplient et sont proposés couramment aux enfants pour se distraire, et ce, dès le plus jeune âge. 

La méditation est une pratique d’un tout autre ordre, qui suppose de n’avoir rien à faire ni à réussir. 

Lorsque vous méditez avec les enfants, il est capital d’avoir toujours cette disposition à l’esprit pour ne pas leur imposer une activité ni vouloir obtenir d’eux quelque chose, comme le calme.
Il s’agit de développer une façon complètement différente d’appréhender les choses : une attitude totalement dépourvue de but. Dans la méditation, il n’y a aucune promesse de rentabilité. Les bénéfices sont nombreux, je peux en témoigner, mais ils ne constituent pas une contrepartie garantie.
Enfants comme adultes, nous voyons nos habitudes et nos façons de réagir bousculées par cette pratique. Pas de débutants ou d’avancés. Pas de gagnants ni de perdants. Pas de bons ni de mauvais élèves. L’intérêt de la méditation, à la différence d’autres activités, ne réside pas dans la recherche d’un objectif donné.

Extrait de l'ouvrage "Méditer avec les enfants" Livre de Poche.
Clarisse Gardet 
Paris

jeudi 17 mars 2016

Un temps différent

Méditer, c’est découvrir un temps différent  que celui mesuré par les horloges ; méditer, c’est entrer dans un temps où il y a de l’espace pour que toute chose trouve sa place, nos douleurs comme nos joies.  Lors des  séminaires auxquels j’ai participé dans l’Ecole, j’ai remarqué que tout est teinté par ce temps si particulier de la méditation.  Les journées sont bien remplies, avec en alternance des moments de méditation, d’enseignements, d’étude en groupes,  de promenades, de repas, de repos… Mais elles sont complètement aérées, spacieuses, et  il y a du temps pour goûter… le temps. 

On pourrait penser qu'un séminaire est une sorte de parenthèse isolée dans nos existences bien remplies. Pour  ma part, je le vois plutôt comme un moment de transformation, de maturation. 
Après un séminaire de méditation,  je ne retrouve pas ma vie comme je l’ai laissée ; je la vois avec un regard neuf, délesté de quelques-uns de ses encombrants à-prioris.

Le prochain stage proposé par l’Ecole aura lieu en Avril, du 24 au 28, en Normandie. 
Une occasion particulière de goûter un temps différent.

Dominique Sauthier
Genève

mardi 15 mars 2016

Grand angle

En voyage, j’aime bien prendre quelques photos pour témoigner de ce que j’ai vu et garder des souvenirs.  Ce matin, visite des tombeaux des derniers empereurs du Viet Nam ; créations architecturales étonnantes où, pour évoquer un monde parfait, s’organisent en vastes perspectives temples, pavillons, lacs, bosquets de pins, collines, ponts…

Voulant prendre en photo l’allée de soldats en pierre veillant à l’entrée du mausolée,  je me surprends à me contorsionner pour éviter d’avoir dans mon cadrage une pénible poubelle en plastique vert voisinant avec les statues. 

Cet effort me rappelle que bien souvent,  je me démène de la même façon pour éliminer de mon paysage mental des choses qui me paraissent  imparfaites ou peu glorieuses. Mes poubelles personnelles. 

Méditer, c’est  avant toute chose apprendre à se détendre en posant notre attention sur notre assise et sur notre respiration. Grâce à cette détente, le champ de notre attention s’ouvre de plus en plus largement pour devenir tellement accueillant et spacieux que même une poubelle en plastique vert y trouve sa place. La plénitude ne vient pas d'un monde parfaitement ordonnancé, mais d'une possible présence de tout ce qui est là, dans l'unité du maintenant. 


Dominique Sauthier

dimanche 13 mars 2016

Le travail

Le travail est-il un effort intellectuel ou un engagement physique ? 
Est-il une démarche de l'esprit ou une manière de nous relier corporellement au monde ?


C'est une question éminemment intéressante... En l'espace d'à peine deux générations, une grande partie des métiers et des savoir-faire se sont spécialisés sur une concentration mentale, liée à un puissant appareillage informatique, et qui oublie le corps, qui nous fait oublier que nous avons un corps... 

Et le travail n'est pas le seul lieu où l'avènement de l'intellectuel a eu lieu. Dans la recherche spirituelle également, nous avons la fâcheuse tendance à croire que l'esprit est supérieur au corps.

Voici comment Chögyam Trungpa le dit, avec provocation, dans l'ouvrage Argent Sexe et Travail :

" Nombre de problèmes que les gens ont avec le travail découlent d'une pseudo-sophistication de l'esprit analytique : vous ne voulez plus du tout vous impliquer physiquement. Vous ne travaillez que sur le plan intellectuel ou mental. C'est là un problème spirituel. Il surgit lorsqu'une personne intéressée par le développement spirituel pense en termes d'importance de l'esprit. Nous voudrions avoir une compétence profonde, ou supérieure, accéder à cette mystérieuse compréhension des choses, la plus élevée, la plus profonde, quelle qu'elle soit. En fait c'est dans l'évier de la cuisine ou à l'usine que l'on trouve la transcendance la plus profonde. "

Mais cette tendance n'a rien de fataliste ni d'inexorable. 
La pratique de la méditation en est un antidote formidable, qui nous permet de retrouver une "inscription corporelle de l'esprit" saine, de retrouver la terre immense de l'expérience physique.  

Travail, Sexe, Amour, Argent... Fabrice Midal enseignera sur ces thèmes passionnants, qui ne sont pas en-dehors de la spiritualité et qui doivent nous aider à entrer plus avant dans le monde ; A découvrir lors du prochain grand rendez-vous de l'Ecole, du 14 au 15 mai 2016.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

vendredi 11 mars 2016

Le don du lieu

Comme don (entre autres) la méditation est celui d'un lieu qui, par le pratiquant, se donne sans retenue ni retour. 

Corps entre ciel et terre, nous donnons enfin cette tenue par laquelle nous recevons la majesté d'être à l'entour. Dressés dans la douceur et l'attention, nous participons à l'ornementation du monde – avec l'humilité non séparée des choses telles qu'elles sont. 

Alors le souffle – don de l'être – s'abandonne à la vie mêlée à la mort. Chaque regain d'inspir conduisant davantage d'offrande dissoute dans l'espace qui tout délivre. 

A commencer par l'azur où les pensées passent comme autant d'oiseaux – ne laissant pas plus de trace qu'eux. Exit la veillance dans cette simplicité de l'esprit nu.

Sont-ce les choses encore qui se donnent alors ? Ou la clarté même, poussée comme une fleur amoureuse au cœur du lieu – faisant des manques autant d'étincelles ? 
Serions-nous doués de méditation comme les oiseaux sont doués pour le vol – et pour faire chanter le même espace ouvert ?

Yves Dallavalle
Chapendu

jeudi 10 mars 2016

Les moments vides

Agendas, journées, vacances, travail, vie sociale, soirées, smartphones, disques durs… Tout est  rempli à ras-bord…

Quand j'étais enfant, dans le Périgord, j'aimais passer la fin de journée chez mes voisins paysans qui s'asseyaient dans le "cantou", et restaient là, sans parler, sans presque bouger, regardant le feu, après une longue journée de travail.
J'adorais ces moments vides, où aucun geste ni parole ne s'imposent ni ne vient gêner une quiétude bien méritée.

Aujourd'hui, après avoir couru tant d'années, je retrouve (enfin) le goût de ces moments où rien de particulier ne se passe, où aucune sollicitation ne m'emporte ailleurs. Quand je suis avec un de mes enfants, à ne rien faire ou à marcher sans but particulier. Quand je suis en tête-à-tête avec mon compagnon et qu'il n'est plus utile de remplir l'espace de mots mais que nous pouvons juste apprécier le luxe de notre présence mutuelle. Quand je suis avec une amie, fatiguée et heureuse de la retrouver et de m'asseoir à côté d'elle.

Ces moments vides sont importants car ils permettent à la confiance de se déployer, au malaise de se dissoudre, à la sur-activité de s'évanouir.

Sans la découverte de la méditation, j'aurais probablement complètement oublié ces moments ordinaires et précieux, si furtifs que l'on n'y prend garde, et qui pourtant montrent si bien que nul n'est besoin de convaincre, de conquérir ou de tout remplir pour aimer.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mercredi 9 mars 2016

Comme la neige tombe

Comme la neige tombe – non pas d'abord sur le sol mais dans l'air devant soi devenu palpable, descendant souverainement pour installer le pays au silence – comme la neige épure les sens et fait le cœur content – comme la neige l'esprit se pose. Il marche espacé et nu où les arbres se rencontrent figés dans la posture du ciel. Sur la terre couverte d'événement – de traces sauvages inexplicables, de lisières à la braise, de champs en démesure, de chemins inconnus le long d'une stupeur d'étang. 

L'esprit marche à l'aube avec la neige rare, prodigue, passagère – dans une suspension des affaires. 

Il et elle sont à demeure pour l'instant – instant fugace lourd comme la neige, mobile selon, où une seule mésange suffit à colorier l'hiver.

Yves Dallavalle
Chapendu

mardi 8 mars 2016

Méditer avec les enfants

Notre société étant de plus en plus difficile et exigeante dans un avenir incertain, on apprend très tôt aux enfants qu’ils vont avoir à «se battre» pour se faire une «place dans la vie».
Et pour qu’ils soient le mieux «armés» possible, les parents – qui veulent le meilleur pour leurs enfants et c’est bien naturel – font en sorte qu’ils accumulent un maximum de savoirs et de diplômes.
À côté de ces apprentissages rationnels et organisés autour d’objectifs d’efficacité, il n’y a souvent plus le temps ni la place pour enseigner la façon de faire confiance à son expérience, d’être libre dans son corps et dans sa tête, de reconnaître les moments où laisser parler son cœur. Or, tout ceci est fondamental pour se construire et construire sa vie.

L’ayant expérimenté moi-même, puis travaillant avec des enfants, je suis convaincue que la méditation peut jouer ce rôle. Ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas de s’exclure de la société, d’isoler les enfants ou encore de les priver d’outils utiles à leur développement. Bien au contraire ! Il s’agit de leur donner des ressources pour trouver le chemin qui permettra à chacun d’épanouir sa singularité et de respecter celle des autres.

La méditation n’est en effet pas une « technique », mais  un « chemin » qui modifie notre rapport à la vie, au monde et à nous-mêmes grâce à une qualité d’attention particulière. 
Son effet salutaire réside dans le principe de travailler à partir de sa propre expérience, et non d’assimiler des principes théoriques.
Extrait de l'ouvrage "Méditer avec les enfants" Livre de Poche.
Clarisse Gardet 
Paris

lundi 7 mars 2016

L'ennui

Pour le penseur, et pour tous les esprits inventifs, l'ennui est ce désagréable "temps calme" de l'âme qui précède la traversée heureuse et les vents joyeux ; il doit le supporter, il doit attendre qu'il produise son effet sur lui.

Cette phrase tiré du Gai Savoir de Nietzsche me paraît une définition lumineuse de la méditation.

La méditation n'est pas toujours une partie de plaisir ou un moment agréable, elle permet de faire surgir cet état d'ennui, que nous fuyons habilement la plupart du temps... 

Ce précieux ennui est pourtant bien le signe que l'espace s'ouvre pour accueillir la "traversée heureuse" des événements quotidiens. 
Cet ennui aère notre manière habituelle de voir les choses, il desserre l'étau qui nous enserre sans que nous y prenions attention et, par là, permet un souffle de joie sur notre vie.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

samedi 5 mars 2016

Just BE !

La méditation se dit bhavana en sanscrit, ce mot est construit sur le radical *bhu que nous retrouvons dans « to be » en anglais par exemple. Il signifie être, mais être au sens du mouvement de l’être, tel que l’on peut l’entendre dans bios qui évoque le mouvement de la vie en grec. 
Mais quel rapport avec la méditation? 
Pourquoi cette pratique s’appelle-t-elle bhavana?

Dans la tradition, la méditation est la manière la plus éminente d’être. Voilà qui est bien loin de la présentation actuelle de la méditation comme un exercice qui permet de se sentir plus à l’aise.

Alors qu'assis sur le coussin, nous nous mettons à l’écoute du mouvement de la vie en nous et la seule chose que nous ayons à y faire c’est : Just BE !
Voilà l’exhortation radicale de la méditation ; ainsi pratiquée régulièrement, nous apprenons à nous accorder à notre être et au sens de notre existence.

Marine Manouvrier
Bruxelles

jeudi 3 mars 2016

Vous manquez de temps ? Asseyez-vous !

Nous nous plaignons souvent de manquer de temps. Nos journées sont remplies d’obligations de toutes sortes, et nous aspirons  à avoir enfin du temps pour ne rien faire, du temps libre. « J’aimerais avoir du temps pour moi », entend-on souvent. Pour faire ce que je veux, pour me retrouver, pour échapper au sentiment de devoir sans cesse répondre à des choses qui s’imposent ou qu’on s'impose. 
Mais  peut-être que ce dont nous avons besoin, c’est moins de temps que d’espace. De l’espace, c’est-à-dire un rapport plus ouvert, plus méditatif à ce que nous faisons. 

C’est ce que nous entraînons en pratiquant la méditation. En donnant de l'attention à notre corps, à notre souffle, à notre coeur, à ce que nous sommes en train de faire, nous ne sommes plus une machine qui abat une tâche après l’autre pour en avoir fini.  

Nous sommes présents à nous-mêmes et à ce que nous faisons et le temps de notre travail devient spacieux, il devient l’espace où  nous nous retrouvons, entièrement.

Dominique Sauthier
Genève

mardi 1 mars 2016

Avoir la tête libre, être présent.*

Georges Braque
Pratiquer la méditation aujourd’hui, ce n’est pas forcément se convertir à une nouvelle religion, renier ses origines, rechercher des expériences mystiques.

Pratiquer la méditation aujourd’hui, c’est tout simplement faire en sorte d’être un peu plus présent à sa propre vie, d’être en capacité de voir la différence de qualité entre être présent et ne pas l’être.

Ce sont des expériences simples mais pourtant si difficiles à assumer au quotidien tant notre esprit est sous l’emprise du nombre infini d’informations qui y circule : des stimulations diverses, de multiples projections sur ce que sera demain, des sentiments d’angoisse refusant d’abandonner le passé. Autrement dit, l’envahissement permanent de notre esprit est causé par un désir tout-puissant de maîtrise et de contrôle.

Avoir la tête libre, c’est sortir de cet impasse en se donnant plus d’espace, la sensation de claustrophobie se dissipe peu à peu, les portes de notre esprit s’ouvrent à l’espace vaste du moment présent : l’environnement où on est situé, les personnes qui sont là, des indices sur la meilleure façon dont on pourrait s’y accorder.

La discipline du simple n’est pas la perspective dans le vent mais elle semble pourtant l’expérience libératrice par excellence pour notre temps.

Trêve de mots, mon coussin m’appelle !

Mathieu Brégegère
Paris