Dans le tram, une dame s’énerve au téléphone, lançant des
paroles blessantes à un interlocuteur invisible et malchanceux. Autour
d’elle, tout le monde se rétracte; les visages se durcissent, les dos se
raidissent et je sens le poison de l’agressivité faire son oeuvre et
contaminer les coeurs. L’enfer.
A la caisse d’un grand magasin d’alimentation, plusieurs
personnes attendent leur tour avec impatience. Pas tant pour en avoir fini au
plus vite avec la corvée des courses, mais pour arriver enfin vers une caissière
qui reçoit chaque client comme si c’était un ami. Elle donne juste
ce qu’il faut de temps, d’attention et de gentillesse pour que chacun reparte
détendu, avec le sourire au lèvre. Le paradis.
Ce matin, j’ouvre grand la fenêtre avant de pratiquer. Le
bruit irritant des voitures alterne avec le chant des oiseaux. J’aimerais
tellement n’entendre que le chant des oiseaux ! Ce serait le paradis… Mais au
bout d’un moment, la pratique fait son oeuvre : le bruit des voitures, le chant
des oiseaux prennent place dans un espace vaste et accueillant.
Le vrai
Paradis, il est là, c’est cet espace où peuvent vivre ensemble les voitures et
les oiseaux. Les dames énervées et les aimables caissières.
Dominique Sauthier
Athènes, juillet 2015