Tombée en arrêt sur cette profonde et poétique réflexion écrite le 9 décembre 1904 par C.F. Ramuz dans son Journal ; il avait alors 25 ans :
« Quand je suis triste, la pensée de la mort m’obsède péniblement. Quand je suis heureux, elle m’est légère. Je sens alors qu’elle est la source même de toute beauté, à vrai dire la mesure de tout. Je dis : Je m’en irai à mon heure, sans me plaindre; j’obéirai comme la plante - cette pente m’est douce et je m’y laisse aller. Portez-moi avec les nuages et les bateaux sur la mer. O poussière des prés, ma sœur, sources, parfums, ô vous âmes des pétales et le chant de l’oiseau, voici que je connais par delà toute limite l’union de tous les contraires et le repos dans le mouvement. »
Méditer, c’est peut-être faire confiance comme la plante, n’opposer aucune résistance, se poser dans le mouvement même de la vie et se laisser toucher par son secret le plus intime.
Dominique Sauthier
Genève
Chère Dominique,
RépondreSupprimerMerci pour ce beau partage.
Encore pas plus tard qu'hier Hadrien citait encore Ramuz :
«Et quand, parmi tout cela, bien avant tout cela peut-être, la conscience de cette autre mort, celle d’après, interviendra, ce sera le grand vertige devant ce sort, qui est le nôtre, d’avoir à peine commencé qu’on sait déjà qu’on doit finir. Mais moi, te prenant alors sur mes genoux, je te raconterai cette autre mort d’avant et tu seras consolée. Je te dirai: «C’est à cause que tout doit finir que tout est si beau. C’est à cause que tout doit avoir une fin que tout commence. C’est à cause que tout commence que tu as connu le grand émerveillement. Tâche seulement d’être toujours émerveillée. Découvre toujours quelque chose comme en ces premiers jours où tu découvrais tout. Garde ces poings fermés dans l’effort joyeux et dans le courage et le sourire qu’il faut aussi dans le courage. Il y aura toujours les belles fleurs des rideaux et toujours les belles fenêtres. Fais qu’elles s’ouvrent seulement plus nombreuses et que la lumière dedans aille seulement croissant en clarté. Et puis, un jour, l’amour viendra, ce nouvel amour, et tous les amours. Et ainsi tu iras distinguant mieux, sans cesse, sans cesse plus de choses. C’est ainsi que peu à peu la fatigue se fera sentir; tu quitteras le sommet de la courbe, on te remettra au berceau. Mais que ce soit dans la douceur des grandes choses consenties et dans le respect de la symétrie, quand les lointains s’éloigneront, au lieu qu’ils s’avançaient alors, et la lumière s’assombrira: naissance de nouveau, naissance en sens contraire, cercle qu’on referme, retour, mais avec ce même beau calme devant ce qui décroît, s’étant accru par une loi semblable: ainsi on voit sur l’horizon la plus haute de ces montagnes naître insensiblement de la plaine et y redescendre insensiblement.»
C.F. Ramuz, Symétrie, in Adieu à beaucoup de personnages
Très bel été à toi,
Sonia