lundi 3 avril 2017

Faudrait-il ne pas être trop ambitieux dans la vie ?

Toute mon enfance j’ai baigné dans une atmosphère où régnait subtilement l’injonction de ne pas montrer trop d’ambition personnelle sous peine d’être traité d’individualiste ou d’égoïste. 

Il y avait par exemple un prêtre avec qui parfois je jouais aux échecs après le catéchisme.

Systématiquement je perdais la partie ce qui me mettait en rogne. Systématiquement il me disait qu’il ne jouait pas bien aux échecs, ce qui me faisait me sentir vraiment nul. 
Je crois qu’il cherchait à me dire qu’il ne fallait pas prendre le jeu très au sérieux, que ce n’était pas très important de gagner. Je me rendais compte aussi que lui-même n’était pas complètement impliqué dans le jeu, il me semblait plutôt détaché.
 
Au fond les adultes ont souvent du mal à faire les choses sérieusement, à être pleinement présent à ce qu’ils font, à assumer une certaine ambition. Les enfants, même quand ils jouent le font souvent avec la plus parfaite application, le plus grand sérieux. Ils sont totalement investis dans ce qu’ils font, ils veulent gagner.
 
Il est vrai que le sérieux peut aller trop loin et devenir crispation sur soi-même, mais aujourd’hui je me rends compte à quel point faire les choses sérieusement et assumer une certaine ambition n’a souvent rien à voir avec de l’égoïsme. C’est plutôt de l’ordre du courage et de la confiance. Il s’agit de prendre le risque d’oser être qui on est, de prendre la place qui nous échoit. 
 
Est-ce que Cézanne, Mozart ou Proust n’ont pas réalisé leur œuvre avec le plus grand sérieux, avec la plus haute ambition ?
 
Au contraire, ne pas prendre ce qu’on a à faire au sérieux c’est renoncer, céder au découragement et finalement passer à côté de sa vie. Nous trouvons souvent tout un tas de raisons pour ne pas nous mettre au travail : nous renonçons à  tel ou tel projet parce que nous nous disons que nous n’y arriverons pas, que ce n’est pas original ou que nous n’atteindrons pas l’excellence de ceux qui ont réussi avant nous, nous papillonnons, passant d’une activité à une autre sans vraiment s’engager dans aucune. 
 
Pourtant nous pouvons tous mener notre vie avec le plus grand sérieux. S’assoir sur le coussin de  méditation c’est ne pas céder à la paresse, c’est prendre notre place sur cette terre avec courage. Il y est question de mettre les injonctions qui nous étouffent de côté pour laisser ouverte la possibilité que notre œuvre propre s’accomplisse

Il y est question de prendre sa vie au sérieux.

Xavier Ripoche
Paris

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