Lisant hier la dernière Newsletter de l'Ecole consacrée à la pleine présence, ce qualificatif de pleine m'a arrêté. La présence on sait ce que c'est : être – ni plus ni moins – à soi et au monde.
On sait aussi la présence des choses (quand elles sont des choses justement et non des objets). Et combien tout ce qui abrite la vie est d'autant plus présent – les plantes, les animaux, les hommes.
Mais pour le promeneur, combien étrange sur son chemin la variable qualité de cette présence. Une lumière vient frapper obliquement un vase bien ordinaire – et celui-ci se met à embraser la pièce entière. Un chat se dresse par la pointe des oreilles vers un bruit insolite – le voici doublement lui-même.
N'est-ce pas cela aussi que suggère ce mot de pleine appliqué à la présence : qu'il en existe divers degrés – de la quasi évanescence au parfait déploiement de l'être. Les humains arpentent particulièrement cette gamme. Parfois tellement effacés qu'on les dirait comme doués d'absence – si peu eux-mêmes – et par là si loin des autres. D'autres fois si pleins de vie – habités presque à notre insu par une densité qui nous échappe et coule d'elle-même comme une rivière dans le pays.
Étrange encore comme les pays abritent la présence. Je pense bien sûr à ce massif des Bauges, jadis traversé, et où se déroule le prochain stage de novembre. Me reviennent sous les pas les pierriers sifflant de vipères au pied de ses hautes falaises. Les trésors sonores véhiculés par ses torrents jusqu'aux grands lacs de silence qui bordent ses remparts. C'est dans son mystère qu'une montagne vous garde. Celui-ci est un mystère à ciel ouvert. Sa clef (s'il m'est ici permis de révéler un secret) est dans ses nuages. Nuages au fond des lacs – et de là à l'assaut des pentes vers les cols – pour gagner leurs célestes champs.
C'est peut-être cela qui fait du promeneur un méditant : cet accord au pays, révélant combien se travaille la plénitude de la présence. S'asseoir comme une montagne, goûter la vie comme elle se présente et apprendre à la laisser rayonner.
Étrange enfin que nous puissions, par la méditation, cultiver ensemble cette assise, comme nous y invite ces stages. En quelques jours, donner droit à cette commune présence – comme si la méditation, abritée le reste du temps dans la pratique de chacun, soudainement découverte au grand jour, pouvait se déployer entièrement dans ce partage.
Yves Dallavalle
Chapendu
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