samedi 27 février 2016

Etre exactement là où nous sommes.

Dans une causerie donnée en 1974 lors d’une retraite, Chögyam Trungpa dit ceci, que je traduis librement de l’anglais :
 « Je suppose que c’est une habitude typique du monde occidental que de rechercher un changement d’humeur. Chaque événement de votre vie doit être une surprise. Dans l’Angleterre victorienne, même si vous savez que vous allez prendre votre thé à cinq heure, quand la serveuse arrive avec votre thé, tout le monde dit : « Ah, voilà la serveuse, voilà le thé. Oh, prenons notre thé. Invitons quelqu’un pour le thé. S’il vous plaît, servez-vous de ce cake. » Quand le dîner arrive, « Ah, c’est l’heure du dîner. » Quand, en fin d’après-midi, nous arrivons un peu déprimé par une journée ratée, l’annonce du dîner nous remonte le moral. La vie vaut encore une fois la peine d’être vécue. Bon, ensuite, c’est l’heure du coucher. «Tu devrais aller dormir ; tu peux avoir encore un chocolat chaud ou un lait chaud, si tu veux ». Le matin, au réveil, ils disent «  Avez-vous passé une bonne nuit ? Voilà le petit-déjeuner. Il y a du jus de fruit. ». Il y a une gesticulation pathétique pour se remonter le moral à chaque moment. Quand vous descendez un escalier, il faut le remonter ; alors vous descendez, et vous remontez, et vous descendez, et vous remontez - on ne fait jamais face à la vie. »

Chögyam Trungpa nous montre avec humour qu’il nous est très difficile de nous poser, d’être exactement là où nous sommes sans avoir besoin d’une distraction, ou d’un petit effet qui donne du relief à une vie qui nous paraît sans cela plate, insipide, déprimante. Pratiquer la méditation nous met dans cette situation où, quand l’ennui et la déprime pointent leur nez, nous voyons tous nos petits jeux pour essayer de les tromper. Au bout d’un moment, si nous tenons bon, quelque chose en nous consent à juste être assis dans la simple présence. Nous sommes alors enfin posés sur terre, en mesure d'apprécier le goût incomparable de la vie comme elle est, sans la nécessité d’y rajouter notre grain de sel. 

Dominique Sauthier,
Genève

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