jeudi 27 avril 2017

Voir de tout son corps

Hier soir je prenais le bus 91 pour rentrer chez moi après une journée de travail très dense. Il avait plu toute la journée et il faisait froid.
 
J’étais rivée sur mon smartphone.

Soudain un rayon de soleil a déchiré le ciel et crevé les nuages.
Cette lumière m’a fait lever les yeux et j’ai vu la coupole de l’hôpital de la Salpetrière illuminée, baignée d’une lumière dorée et chaude. Ça m’a fait plaisir.
 
J’aurais pu en rester là, mais la lumière était si splendide qu’elle appelait autre chose. Pas seulement le regard de mes yeux reliés à mon cerveau qui trouvait cela agréable et beau…
 
J’ai fait un mouvement de plus. À la fois de détente et d'ouverture. Et c’est tout mon corps qui s’est mis à voir. J’ai senti que mes pieds, mes cuisses, mon torse, mes cheveux recevaient cette lumière, la voyaient tout autant que mes yeux.
 
Il me semble que méditer c’est apprendre à voir de tout son corps.

Que faisons-nous quand nous voyons ainsi de tout notre corps, de tout notre être ?

Nous synchronisons esprit et corps. Nous réharmonisons ce qui, dans la vie quotidienne, est si souvent désaccordé. Au lieu de traîner notre corps comme on porterait un vêtement sur un cintre (l’expression est de Chögyam Trungpa) nous assumons pleinement notre présence corporelle.

« Le travail de toute une vie est d’apprendre à s’incarner » 

dit Fabrice Midal quand il parle de la spiritualité.

Apprendre à s’incarner c’est apprendre à habiter notre corps, pleinement.

La spiritualité n’est pas cachée dans un ailleurs rêvé et inaccessible - elle est présente à chaque fois que nous sommes pleinement là, c’est-à-dire pleinement humain.

Marie-Laurence Cattoire
Paris
 

samedi 22 avril 2017

La Révolution concrète

"Être abstrait, c'est perdre le rapport avec ce que c'est que de se tenir debout".


Cette citation de Fabrice Midal est plutôt abyssale : quand sentons-nous réellement ce que c’est que de nous tenir debout?
Quand sommes-nous le trait d’union entre la terre et le ciel qui se font face ?

Cette citation questionne directement ce que c’est que le concret. 

A y regarder de plus près, nous naviguons entre les généralités affligeantes répétées à l'envie, l’uniformisation de tout qui nous empêche d’avoir rapport réel à rien et dans un monde où le mot éthique ne signifie plus qu’un compendium de règles à suivre.

Alors qu’est-ce que le concret dans nos vies ? Peut-être que pour ma part c’est laisser tomber le convenu, l’attendu, pour se mettre à l’écoute de ce qui se passe, là, maintenant. Interroger toujours à neuf le rapport que j’ai aux autres, aux choses, au monde et écouter comment cela parle concrètement en moi, au-delà des discours habituels ou des idées préconçues.

Et quand cela parle, tout devient plus dense, plus incarné, je ne me sens plus comme un ectoplasme qui flotte dans son existence. Un espace d’habitation s’ouvre, au sein duquel je peux me tenir debout avec dignité et dont je peux prendre la responsabilité.
Et dans votre vie, le concret, c’est quoi ?

Marine Manouvrier
Bruxelles

mardi 18 avril 2017

Ciel

En relisant mes notes du séminaire « Habiter le monde en poète » je vois certains mots écrits à la hâte pendant les enseignements que je n’arrive plus à relire. Il y a des phrases incomplètes, il y a des points de suspension. 

Même si le séminaire est terminé depuis deux jours, le travail continue à se faire. C’est un travail plus intérieur, une sorte de décantation. Certaines choses sont bien présentes, d’autres  un peu effacées. A la présence vivante et fulgurante des enseignants et des participants succède le silence et le retrait.
 
Ce qui est clair c’est que je ne regarderai plus le ciel comme avant. J’ai lu dans mes notes : 

« le ciel est la course arquée du soleil, il rythme l’habitation des hommes. Chaque dimension est en mouvement, fixe une temporalité, détermine une intensité. Le ciel nous plonge dans la profondeur bleuissante ». 

Puis au sujet de Monet : « Monet passe de la peinture des ciels à la peinture qui devient ciel ».
 
Alors ce matin je suis allé voir les Nimphéas au musée de l’Orangerie et j’ai vu la profondeur du bleu, j’ai vu l’eau et le ciel indifférenciés. J’ai vu l’abîme du ciel.

Même si les mots s’effacent, le ciel vaste est bien là et sa « bleuité adorable » colore ma pratique de la méditation.

Xavier Ripoche
Paris

samedi 15 avril 2017

Pour l'amitié, pour la grâce.

Un matin.   

Chacun fait son nid de chaise ou de coussin.  On dépose autour de soi le cahier de notes, la photocopie du texte de Martin Heidegger, le stylo pour les notes, le crayon à papier pour annoter le texte. Son sac sur le côté, près du voisin, à la frontière du nid. La veste de l’autre côté. La bouteille d’eau où l’on peut. Des chaussettes de toutes les couleurs, des châles sur certains genoux.

Ça papote malgré Marine, gardienne du temps hiératique, qui attend, le gong à la main.
Les bruissements de voix se calment.  Les trois coups de gong résonnent.
Nous méditons, tous réunis dans le silence.  Il fait chaud. Un coup de gong.

Tous les jours.  Hadrien et Fabrice s’installent tour à tour à la table posée sur l’estrade couverte d’un tapis rouge.

Ils sont dire et monstration :
Posez-vous devant un tableau, mettez-vous à l’écoute de la parole, à l’écoute de la musique du monde.  Tout être humain peut le faire, il suffit de se mettre au travail.

Lecture d’un poème d’Henri Michaux.

La culture, c’est apprendre à être un être humain.

L’homme vit dans la Dimension, entre le ciel et la terre.  Une mesure nous est octroyée et nous avons à la déployer.  On ne comprend pas tout mais c’est ça la Dichtung, proche parente de la poésie et de la philosophie.

Et Hadrien et Fabrice nous montrent et nous remontrent.   Regardez comment toutes les touches de peinture chez Cézanne sont en rapport.  Regardez ce tableau de Poussin, la courbe de la rivière.  Et Matisse, comment tout bouge et vous inclut. 

Lecture d’un autre poème de Michaux.  Quand on aime on ne compte pas.

Et puis il y a Anna qui danse avec son violon. La musique de Bach nous traverse.  Mon voisin pleure.

Posez-vous devant un tableau, cela prend du temps de voir.  Ecoutez.  Mettez-vous au travail.

Allez voir Pelléas et Mélisande dans la mise en scène de Bob Wilson, Le sacre du printemps de Pina Bausch.  Agone de Balanchine. La sculpture de Caro à La Défense, After Olympia.

Se mettre à l’écoute du monde, prendre la place qui nous est octroyée.  Nous mortels, avec cette mort comme limite qui nous ouvre tous les possibles. Martin appelle ça horizon.

Poème.  De… Henri Michaux. Cela va de soi.   La voix de George Oppen, autre poète.  Américain celui-là.

Il suffit de travailler.  Mettez-vous au travail. On est paresseux parce qu’on ne se fout pas la paix.  Si on se fout la paix on est là. Quand on travaille ça donne.

Se déployer à sa juste mesure.

Hadrien, Fabrice, Fabrice, Hadrien. Regardez, écoutez.  Soyez.

Demain Hadrien va nous parler du Ciel et de l’Inconnu.

Fabrice-Hadrien.  Hadrien-Fabrice. Pourquoi ce séminaire ?

Pour être le « là ».  Pour être un trait d’union.  Pour rien.

Pour l’amitié. Pour la Grâce.

Merci.

Anne Vignau
Dinard



Il restera dans nos cœurs comme un temple grec

Je retrouve aujourd’hui la magie que j’ai connue dès le premier séminaire auquel j’ai assisté dans l’école. 

Il y a magie parce qu’il y a monde, c’est-à-dire un espace où on peut habiter ensemble. 

Notre séminaire déploie ses modulations sous le ciel de Bretagne.  

Une parole y est transmise qui nous élève et nous réjouit; parole philosophique, parole poétique. Nous avons entendu que l’être à la possibilité de se déployer dans l’horizon de la finitude humaine, entre ciel et terre, entre naissance et mort, dans la parole. 

Le violon d’Anna Gockel, exemplaire, lui aussi parle, danse, enseigne et sa voix résonne sublimement dans cet espace.

Bientôt ce sera la fin mais il restera dans nos cœurs comme un temple grec, magnifique sous le soleil.

Xavier Ripoche
Dinard

vendredi 14 avril 2017

On ne peut habiter qu’un poème. Sinon on erre.

Nous écoutons un poème.
Ce sont des mots. Mais d’abord des sons. Des mots qui sont comme des notes.

Avec des S qui sifflent.
Avec des L qui lapent.
Avec des R qui rappent et des K qui claquent.

Des mots qu’on ne comprend pas. Qu’on ne cesse jamais de comprendre. Toujours autrement.
Des mots qu’on entend. Sans jamais finir d’en saisir le sens. Des mots qui sonnent et résonnent. Ouverts.

Des mots énoncés, proclamés. Qu’on ne peut pas lire juste pour soi-même.
L’instrument du poète : sa voix. Celle-ci est grave, sombre, chargée du poids du siècle. Sombre et légère. Lourde et fluette. Fragile. Si fragile. Un souffle trop brusque pourrait la faire fuir. Mais solide. Un sol sur lequel reposer. Solide parce que fragile. Un abri. Le lieu où habiter.

On ne peut habiter qu’un poème. Sinon on erre. Seul le poème nous relie. Aux autres, au monde, au ciel et à la terre. Sans poème, pas de sol. Ça se disperse. Ça s’éparpille. Ça se renverse. Ça n’a plus de mesure. Le poème donne la mesure. Après on est libre. On a sa propre écoute. La même pour tous.

Le poème. Le même pour tous. Ensemble. Et pour chacun. Le même. En propre.

Benjamin Couchot
Dinard

Depuis que je tiens un crayon en main je veux écrire, des poèmes, des livres, des nouvelles, peu importe, écrire.

Lors de son deuxième enseignement, Hadrien France-Lanord a montré, notamment, le déplacement qu’il y a à faire pour entendre ce qu’est une Parole poétique, à partir de la lecture de la conférence « … habiter en poète … » de Martin Heidegger (dans Essais et Conférences). 

Un moment m’a particulièrement frappée, celui où il est question du fait d’écrire. 

Sans doute parce que depuis que je tiens un crayon en main je veux écrire, des poèmes, des livres, des nouvelles, peu importe, écrire.

Par un ajointement heureux, Hadrien France-Lanord a mis des mots ce matin sur un écueil radical à l’écriture qui m’était apparu il y a quelques temps, moi qui voulais écrire. 

L’écueil est qu'il n’est pas question de volonté dans l’écriture (et je vous laisse librement penser le parallèle avec la pratique de la méditation). En effet, il n’est pas tant question de vouloir écrire à propos de quelque chose que de se demander ce que la chose a à nous dire. 

«Écrire c’est trouver la manière de dire ce qui ce dit à nous » 

précise Hadrien France-Lanord. 

Ainsi, les idées viennent à nous plutôt que nous les cherchons et, « s'il y a quelque chose à faire pour les laisser venir, c’est écouter ».

La Parole poétique n’est donc détenue par personne, elle est entièrement libre, elle n’a ni maître ni possesseur. 

L’être humain - en poète - écoute et accueille la Parole qui s’adresse à lui « par effraction », souligne Hadrien France-Lanord. 

Et, ensuite, quand l’être humain - en poète - l’a dit ou l’écrit, il en prend la responsabilité.

Marine Manouvrier 
Dinard.

jeudi 13 avril 2017

Le temps de l'écoute

 

" Plus l'œuvre d'un poète est poétique et plus son dire est libre : plus ouvert à l'imprévu, plus prêt à l'accepter "

Martin Heidegger
"... habiter le monde en poète..."

Il s'agit de se mettre à l'écoute de la parole. C'est tout simple. Il n'y a de parole que lorsque cela parle.

Ça vous vient, ça résonne.

C'est du même ordre que la pratique de la méditation.

On se dispose et on s'ouvre à l'imprévu.
On ne décide pas d'avance, on ne cherche pas à obtenir un effet.

On laisse faire.
On accueille. 
On écoute.

Anne Vignau
Dinard

Ce goût de l'aventure

Mouvements - Henri Michaux.

« La clé qui ouvre la porte d’une œuvre d’art c’est la présence, jamais la référence. »


Fabrice Midal tentait de montrer hier soir, lors de sa troisième causerie sur la culture, comment faire face à une œuvre d’art. Il était question de ne rien faire de manière à laisser être ce qui est. 
Ne pas chercher à dire, à voir ni à entendre pour pouvoir véritablement entrer en rapport à l’œuvre d’art.  
Que suis-je donc venu faire à ce séminaire 
Moi qui ai souvent des difficultés à voir des œuvres d’art je ne vais apprendre aucune recette, aucun truc  pour sortir de l’aveuglement dans lequel je suis. Les références historiques ou autres ne m’aideront pas non plus. Il s’agit plutôt de désapprendre, de se tenir face à l’œuvre avec gravité et légèreté à la fois. 

La méditation est l’une des clés de cette entrée en présence. 
Les poèmes d’Henri Michaux lus par Fabrice en sont une autre.
Voilà un tout petit aperçu de ce séminaire qui a commencé lundi. J’ai déjà l’impression d’avoir fait un voyage, d’avoir quitté les rives des connaissances convenues pour entrer dans une aventure. C’est sans doute ce que je retrouve à chaque fois que je participe à un séminaire de l’école, ce goût de l’aventure, cette impression d’être au travail, ensemble avec les enseignants et les participants.  
C’est dans les séminaires que je sens battre le cœur de notre École. C’est là que se trace à chaque fois un nouveau chemin, que se dessinent de nouveaux horizons. 
Je sais que même si les conférences filmées donneront sans doute lieu à un cours en ligne que je pourrai voir dans quelques mois, ce ne sera pas la même expérience. 
Ce que nous vivons ensemble lors d’un séminaire de notre École est à chaque fois unique. 

Xavier Ripoche
Dinard

mercredi 12 avril 2017

Mais hier, quelque chose de plus. J’ai entendu.

Anna au violon, Dinard 2017.
Bien sûr, j’avais déjà entendu de la musique.

Les notes qui se succèdent les unes aux autres. Joyeusement, tristement. Tristement joyeuses, le plus souvent.

Elles défilent devant moi. Me caressent à peine. Doucement plaisantes.

Elles sont là. Je suis là. Face à face.

Mais hier, quelque chose de plus. J’ai entendu. Mais pas uniquement.

J’ai vu. J’ai goûté. J’ai senti. J’ai respiré. Pas seulement. J’ai vécu.
La musique a vécu en moi. Elle m’a mis en mouvement. De l’intérieur.
Le violon. Le frottement des cordes. Les notes qui résonnent.
Devant moi. Autour de moi. En moi. Sans distinction. Partout.
Les notes. Plus les unes derrières les autres. Les unes au-dessus des autres. Les unes autour des autres. Les unes contre les autres.

Ça frotte. Ça s’entrechoque. Ça s’entrelace. Ça s’embrasse.
Ça entre en résonance. Et tout entre en résonance. Le violon. Les notes. Les unes contre les autres. Moi avec. Et tous les autres. Anna derrière le violon. Et tous les autres autour. Tous ensembles. Enfin réunis. En résonance.

Merci.

Benjamin Couchot
Dinard

mardi 11 avril 2017

Calculer la moyenne rend tout moyen

Fabrice Midal nous parlait hier des statistiques et des moyennes établies au nom d'une vérité "scientifique" qui donnerait à voir la réalité. 

Mais une moyenne dit-elle quelque chose de vrai ? Par exemple, la moyenne des élèves d'une classe dit-elle le niveau de la classe ? 

Si vous êtes 10 à lire cet article, que 5 d'entre vous le trouvent génial et lui mettraient une note de 19/20 et que les 5 autres le trouvent nul et lui donnent une note de 1/20... Nous arrivons à une moyenne de 10/20 pour le "taux de satisfaction" de ce post, moyenne qui ne représente aucun des avis réels !  Ni ceux qui adorent, ni ceux qui détestent. 

Et c'est souvent comme cela : on nivelle par des moyennes toute aspérité, toute singularité, toute réussite, toute difficulté. La moyenne rend tout moyen.

Voici comment Fabrice Midal le disait hier soir :

"Les statistiques devraient être le reflet du monde et c'est le monde qui est devenu le reflet des statistiques..."


En ces temps de campagne présidentielle, on peut s'interroger sur la vérité des sondages, menés auprès "d'un échantillon représentatif de la population"... Ne sont-ce pas ces mêmes statistiques qui influencent nos pensées, nos avis, nos préférences ou nos votes ? Ne sont-ce pas ces chiffres, ces moyennes qui posent un écran entre nous et le monde ? Qui  donnent à la réalité un tout autre visage ? Qui nous empêchent de voir pour de bon ?

"La poésie révèle ce qui en nous peut résister aux statistiques" 

ajoute Fabrice Midal.

C'est pourquoi en ces temps troublés et incertains, où la politique se mesure à la force de ses "punch lines", où parler est de plus en plus difficile, l'écoute de l'art, qui nous permet d'habiter le monde en poète, est essentielle. Et pour cela la méditation offre une disposition majeure.

Marie-Laurence Cattoire
Dinard

Un sentiment de solitude

Dinard. Fin du premier jour du séminaire "Comment habiter le monde en poète ?"

Je vais me coucher envahie par un sentiment très profond de solitude. Cela m'arrive souvent dans un séminaire.

Les années dans l'École occidentale de méditation m'ont appris à l'apprivoiser et à la chérir car c'est la solitude qui nous permet de recueillir ce qui se donne dans ces séminaires.

Comme l'a dit Fabrice Midal en introduction, nous ne savons pas ce qui va se passer et rentrer en rapport à la poésie implique de partir à l'aventure.
 
Ceci nous concerne chacun en propre. Comment peut-il en être autrement ?

Vous vous en doutez bien, nous n'allons pas, dans ce séminaire, parler de la poésie en tant que genre littéraire mais de cette poésie qui est le lieu où l'homme peut habiter son existence. Cette poésie qui est un dire, une monstration.

Et la culture dont va nous parler Fabrice Midal ne concerne pas l'expo qu'il faut "faire" ou une simple appréciation esthétique mais bien plutôt comment un tableau ou un poème peut nous aider à vivre...

Ceci concerne l'essentiel de notre existence pour qui veut bien le regarder ou l'entendre.

Et c'est dans la solitude de chacune de nos existences que nous pouvons laisser le poème avoir lieu.

Anne Vignau
Dinard

À quoi sert la culture ?

À quoi sert la culture ? Et d'ailleurs qu'est-ce que la culture ? 

Voici deux phrases, deux pistes de réflexion,  glanées au cours du premier enseignement que Fabrice Midal a donné hier soir, dans le séminaire  "Comment habiter le monde en poète ?" qui a lieu cette semaine en Bretagne.

« En lisant un poème, nous entrons dans le temps et l’espace de notre existence »


«  Pour l’être humain, rien n’est naturel. Le naturel ne se trouve que dans un voyage où l’on se purge »


Marine Manouvrier
en direct de Dinard

lundi 10 avril 2017

Habiter le monde en poète

Aujourd'hui 10 avril, nous sommes 112 à nous être réunis pour essayer de travailler et comprendre ensemble comment habiter le monde en poète... 

Le séminaire a démarré de manière "fracassante" avec Fabrice Midal qui nous a lu un poème de Henri Michaux Portrait des Meidosems (si vous voulez le lire ou le relire, je vous recommande de le faire à voix haute ou - encore mieux - de vous le faire lire, c'est une étonnante expérience). 

Ce très long poème nous a d'emblée embarqués dans une expérience profonde d'écoute : 
un poème incroyablement concret, réel, qui balaie toutes les idées reçues sur la poésie qui essaieraient de la réduire à un divertissement esthétique...


Puis Hadrien France-Lanord a donné son premier enseignement : son propos est de nous faire voir en quoi la poésie fait apparaître les choses, dévoile la réalité, montre la vérité. De quelle manière la poésie donne lieu à l'existence en nous disposant à une ouverture au monde.

"Rien ne vous interdit d'entendre les mots qui peuplent notre monde" 



Cette belle phrase d'Hadrien France-Lanord est une invitation à écouter pour de bon durant cette semaine qui s'ouvre à nous, sous un soleil radieux, en Bretagne.

Marie-Laurence Cattoire
Dinard

vendredi 7 avril 2017

Le souffle est le portrait intime de notre existence


"Se faire le cadeau de l'immobilité, c'est s'offrir un moment pour voir ce que nous ne voyons pas dans l'agitation de tous les jours.
Voir notamment que le souffle nous raconte ce que nous dit notre être, 
voir qu’il est le portrait intime de notre existence ».

Marine Manouvrier, 
lors d’un des dimanches de pratique que l’Ecole de Bruxelles organise.

mercredi 5 avril 2017

Nous pouvons arrêter de faire comme si le présent n'existait pas.

Hier j'étais interrogée par un jeune étudiant en école de commerce qui rédige un mémoire sur la méditation. Il voulait savoir ce que cette pratique m'apportait en tant que manager. J'ai d'abord pris la précaution de lui dire que c'est en tant qu'être humain que la méditation m'aidait. Depuis treize ans, elle colore tous les aspects de ma vie. Elle a changé mon rapport aux enfants, à mon conjoint, au travail, à mes parents, aux autres, au monde... 

Mais en premier lieu, elle m'a fait découvrir qu'il existait quelque chose de tout à fait réel, disponible, tangible, concret : le présent ! 

La pratique régulière m'a entraînée à distinguer les moments où j'étais présente de ceux où j'étais ailleurs, plongée dans une rêverie, prisonnière d'une rumination ou encore tout simplement perdue dans une suite de pensées diverses qui m'emmenaient bien loin de mon corps. 
Pendant la méditation nous goûtons le contraste entre ces deux manières de faire : la prise de tête ou la présence corporelle... Sans cesse, nous oscillons de l'une à l'autre. Quand nous réalisons que nous sommes "partis" ailleurs que là où nous sommes, nous revenons, avec beaucoup de douceur mais délibérément, au moment présent.

Ce n'est pas si facile car parfois le présent peut-être très ennuyeux. Et les pensées semblent beaucoup plus intéressantes que l'immobilité silencieuse que nous adoptons pour quelques minutes. 
Et pourtant, tout est là, dans ce moment présent. 

Notre vie est entièrement là, offerte dans ce souffle qui nous anime, dans ce corps riche de mille perceptions sensorielles, dans cet espace qui nous entoure. 
Et même s'il ne se passe rien, il se passe tant de choses...

Chögyam Trungpa a dit " L'ignorance, c'est faire comme si le présent n'existait pas."*

Nous avons tellement tendance à faire comme si le présent n'existait pas. 
Et avant de découvrir la méditation, j'avais beaucoup de mal à reconnaître cela. J'étais tiraillée entre une intuition, qui me disait que le présent pouvait être précieux, et une injonction forte à devoir "être partout à la fois" par exemple. Ou encore, j'étais tiraillée entre le sentiment que la réalité pouvait être toute simple mais qu'avoir une vie "intellectuelle" riche et complexe était fondamentale....
Or ce que dit Chögyam Trungpa c'est que la pure intelligence réside dans le fait de reconnaître le présent, de le voir, d'entrer en relation directe avec la réalité.

Nous pouvons arrêter de faire comme si le présent n'existait pas.
À partir de là, peuvent se déployer une véritable écoute de l'autre, une véritable intelligence de la situation, une véritable humanité, celle qui permet de danser avec la vie.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

*in Le sourire du courage, Pocket, 2012.

mardi 4 avril 2017

En posant notre corps, on pose notre être

"Quand on médite, on s'assoit, on se pose, comme une tasse sur une table, c'est un acte simple et ordinaire, comme nos grands parents se posaient près du feu. 

En posant notre corps, on pose notre esprit, et ainsi on pose notre être. On arrête la course en avant et on coupe l'esprit qui essaye de toujours arranger la réalité comme elle nous convient, on coupe le jugement, la comparaison, on accueille ce qui se présente et l'attention se déploie naturellement. 

Méditer, c'est cultiver cette disposition à accueillir ce qui est, tel que c'est, à accueillir aussi ce qu'on aurait tendance à fuir d’habitude. » 

Anne Vignau

lundi 3 avril 2017

Faudrait-il ne pas être trop ambitieux dans la vie ?

Toute mon enfance j’ai baigné dans une atmosphère où régnait subtilement l’injonction de ne pas montrer trop d’ambition personnelle sous peine d’être traité d’individualiste ou d’égoïste. 

Il y avait par exemple un prêtre avec qui parfois je jouais aux échecs après le catéchisme.

Systématiquement je perdais la partie ce qui me mettait en rogne. Systématiquement il me disait qu’il ne jouait pas bien aux échecs, ce qui me faisait me sentir vraiment nul. 
Je crois qu’il cherchait à me dire qu’il ne fallait pas prendre le jeu très au sérieux, que ce n’était pas très important de gagner. Je me rendais compte aussi que lui-même n’était pas complètement impliqué dans le jeu, il me semblait plutôt détaché.
 
Au fond les adultes ont souvent du mal à faire les choses sérieusement, à être pleinement présent à ce qu’ils font, à assumer une certaine ambition. Les enfants, même quand ils jouent le font souvent avec la plus parfaite application, le plus grand sérieux. Ils sont totalement investis dans ce qu’ils font, ils veulent gagner.
 
Il est vrai que le sérieux peut aller trop loin et devenir crispation sur soi-même, mais aujourd’hui je me rends compte à quel point faire les choses sérieusement et assumer une certaine ambition n’a souvent rien à voir avec de l’égoïsme. C’est plutôt de l’ordre du courage et de la confiance. Il s’agit de prendre le risque d’oser être qui on est, de prendre la place qui nous échoit. 
 
Est-ce que Cézanne, Mozart ou Proust n’ont pas réalisé leur œuvre avec le plus grand sérieux, avec la plus haute ambition ?
 
Au contraire, ne pas prendre ce qu’on a à faire au sérieux c’est renoncer, céder au découragement et finalement passer à côté de sa vie. Nous trouvons souvent tout un tas de raisons pour ne pas nous mettre au travail : nous renonçons à  tel ou tel projet parce que nous nous disons que nous n’y arriverons pas, que ce n’est pas original ou que nous n’atteindrons pas l’excellence de ceux qui ont réussi avant nous, nous papillonnons, passant d’une activité à une autre sans vraiment s’engager dans aucune. 
 
Pourtant nous pouvons tous mener notre vie avec le plus grand sérieux. S’assoir sur le coussin de  méditation c’est ne pas céder à la paresse, c’est prendre notre place sur cette terre avec courage. Il y est question de mettre les injonctions qui nous étouffent de côté pour laisser ouverte la possibilité que notre œuvre propre s’accomplisse

Il y est question de prendre sa vie au sérieux.

Xavier Ripoche
Paris