lundi 26 décembre 2016

Le grand secret

« Les peluches aussi connaissent le secret de l'être » m'écrivait il y a peu Catherine Ternaux, dont le blog Variations de la pesanteur émane un monde aussi discret qu'enjoué. 

Pour preuve, elle joignait à son mot simple et profond cette photo, où l'on voit un âne, de paille et de son, enseigner à son amie Soja la fameuse formule pour se laisser pousser les oreilles.
 
Qui ne sait plus s'arrêter devant une peluche – interpellé par sa présence parallèle – a peut-être depuis trop longtemps replié ses ailes. C'est bien dommage ! Et d'autant plus que d'éminents enseignements de la voie du Bouddha nous engagent diligemment, entre deux méditations, à devenir enfants de l'illusion.
 
Au fait, face à une peluche, où se niche-t-elle – l'illusion ?

Est-ce céder – le temps du rêve – à l'artifice du jouet ?

Ou bien (au prétexte d'être fait de chair et non de coton) de se croire exempt de fabrication ? En faut-il cependant des cisaillages et des ravaudages pour fabriquer une grande personne !
 
Et l'enfant né de cette illusion – où le chercher ?

Dans l'étonnement que la peluche ne fasse point suivre d'un quelconque mot ce que le surgissement de sa présence promettait de conversation ?

Dans l'heureuse surprise des anciennes choses dégradées en objets – reprenant soudain corps ?

Et dites – pourquoi se fige-t-on ainsi dans la cire de l'instant pour se mettre au diapason de leur éternelle contemplation ?
 
Vertiges de l'enfance devant le coffre ouvert des questions ! Et tendresse de ces vertiges que la sage immobilité des poupées nous inspire. Désarmantes peluches – pétrifiantes de bonté – accordez-nous la simplicité !

Aux enfants oubliés que nous sommes – veuillez vous offrir sous la forme de quelque effigie de laine à la proue de nos vies ! Vous nous apprendrez ainsi à nous tenir, devant la joie et devant la peur, comme des jouets qui savent tout accueillir.

Yves Dallavalle
Chapendu

jeudi 22 décembre 2016

Seul ou isolé ?

Shitao, Accroupi au bord de l’eau, 1690.
Un des cadeaux de la pratique de la méditation que je trouve particulièrement précieux est celui de mettre très au clair la différence entre l’isolement et la solitude. 

Quand nous nous sentons isolés nous ne sommes pas seulement coupés des autres et de tout ce qui nous entoure, la plupart du temps nous sommes aussi coupés de nous-même, de nos sensations.
Nous avons perdu tout contact en quelque sorte.

En revanche, la solitude va souvent de pair avec la plénitude. 


Sur le coussin, nous la découvrons réellement,  cette  solitude, nous l’éprouvons. En même temps nous nous apercevons que nous ne sommes pas isolés mais reliés en permanence - nous découvrons le mouvement incessant de la vie en nous, nos sens s’aiguisant apprennent à déceler le silence du silence … 


L’espace en nous et l’espace tout court s’amplifient et font de plus en plus un.

L’entraînement à la bienveillance nous rend sensibles aux liens d’une part, à notre provenance d’autre part.  

Dans la langue allemande le mot solitude, Einsamkeit, est plein de sens.

Il est constitué de « un », ein et du radical sam, apparenté à « ensemble » et qui indique le rassemblement.
Selon Heidegger c’est un rassemblement à la fine pointe de l’instant, là où le passé, le présent et l’avenir adviennent ensemble « dans la simplicité de cette unité qui est la leur et qui libère la possibilité même d’exister »
Heidegger nous aide à penser la solitude et surtout comment elle préserve la possibilité de la liberté.

D’un coeur capable d’embrasser l’infini,
Me voici immobile sur le rocher dressé.
Lune unique planant dans le bleu du ciel ;
Qui saura répondre à mon chant solitaire ?
Shitao


Elisabeth Larivière
Paris

mercredi 21 décembre 2016

On pense souvent que je suis calme. Je ne le suis pas.


Nombre de situations dans ma vie professionnelle ou quotidienne m’inquiètent. Quand j’étais adolescent il m’arrivait de penser toute une nuit à un problème de math. Il y avait dans mes pensées des sentiments mélangés : l’idée du  jeu, du défi, la volonté de gagner, d’être le meilleur,  la peur de perdre la face si je n’y arrivais pas.

Alors qu’est-ce qui a changé depuis que je pratique la méditation ? On pourrait penser que je parviens mieux maintenant à résoudre mes problèmes. Je ne le crois pas. Alors peut-être arrivé-je mieux à les éviter qu’avant ? Peut-être que je relativise plus facilement certaines situations et qu’elles ne m’affectent plus autant qu’avant, que je suis plus  zen ? Non plus ; les difficultés me tombent dessus souvent comme la pluie, je ne peux pas plus les éviter aujourd’hui qu’il y a des années. Au contraire je deviens par la méditation plus sensible. 
Alors quoi, qu’est-ce qui est différent ?
Je crois que je peux maintenant entrer un peu plus pleinement dans une situation, en faire l’épreuve en la voyant moins comme un problème à résoudre. Résoudre un problème c’est d’une certaine façon vouloir le supprimer, s’en débarrasser. Faire l’épreuve d’une situation demande au contraire un certain courage, cela demande d’y entrer complètement sans a priori, sans préjugé, sans même y appliquer l’étiquette « problème ».
Le problème c’est souvent au fond le mot « problème » lui-même. Dire « j’ai un problème » est plutôt réducteur et étroit, tant les situations réelles de la vie sont complexes, colorées et nuancées. On a souvent le nez collé à nos problèmes, on regarde la situation de trop près, on regarde sans voir. Il me semble que je peux aujourd’hui avoir une vision un petit peu plus large d’une situation qu’auparavant. 
J’ai fait il y a quelques jours cette expérience sur le coussin : j’étais assis, une situation conflictuelle est apparue et a envahi pendant un temps mes pensées. Alors que je revivais pour la énième fois cette situation, même si le  sujet de préoccupation était nouveau, cette fois-là une nuance s’est dessinée. Dans l’espace de la méditation ce que je considérais comme problématique s’inscrivait dans un cadre plus large. Il y avait quelque chose  avant la « pensée  problème » que je n’avais pas vu jusqu’alors. La situation conflictuelle m’apparaissait comme une sorte de champ de bataille limité et isolé dans un espace plus vaste. Le mot poème s’est insinué comme malicieusement dans mon esprit à la place du mot problème. Au lieu de faire tout un problème de la situation, c’était tout un poème qui apparaissait. Ce qui me manquait pour voir la situation plus complètement était cet espace poétique. 

Cet espace avait toujours été là, simplement je n’y avais pas prêté attention. 

Xavier Ripoche
Paris

lundi 19 décembre 2016

Un corps, un monde

Apprendre à méditer, c’est apprendre à se mettre à l’écoute du corps, de sa musique et de ses rythmes. 

Au début, le constat est souvent que nous n’y entendons rien ou, plutôt, que nous avons perdu la clé pour l’écouter. Cette clé est pourtant là, au plus intime de notre être : nos sensations

Elles nous font part de cette musique à chaque instant. Elles nous parlent de manière directe de notre expérience, ici et maintenant, et nous disent la vérité de notre être. Elles savent et, même si ce savoir est un savoir entièrement non-conceptuel auquel nous ne sommes plus habitués, nous pouvons lui faire entièrement confiance.

Quand nous parlons de notre lieu de vie, nous pensons directement à notre appartement, notre maison et parfois même notre voiture ai-je déjà entendu. 


Mais bien plus proche et immédiat, c’est notre corps qui est notre monde, notre habitat. 

Apprendre à méditer c’est avoir beaucoup de curiosité pour ce corps qui dit qui nous sommes, par sa tenue, par sa disposition. Notre être est un monde qui se manifeste par le corps. « Il est l’espace où nous sommes, où nous habitons », comme l’a dit Fabrice Midal lors d’un de ses enseignements sur le thème Reprendre Corps, visionné sur YouTube un mercredi soir. 

Quelle belle et vaste entente du corps qui appelle à l’exploration !

Marine Manouvrier
Bruxelles

mercredi 14 décembre 2016

Poulet ou jambon ?

Nous étions deux humains à nous poser la question, de part et d'autre du comptoir réfrigéré d'une aire d'autoroute, nous grattant la tête à la manière des primates confrontés à un  problème dépassant leur capacité d'investigation. Lui était en uniforme d'agent de restauration rapide, tandis que j'arborais une tenue d'automobiliste un peu frippée après une longue course sur l'A6. 

L'objet trônant dans la vitrine qui suscitait notre interrogation se trouvait être un sandwich, rescapé du passage d'un car de touristes chinois à l'heure du déjeuner.

De prime abord, compte-tenu de la pâleur des lamelles de viande, j'avais supputé qu'il s'agissait de poulet, mais un regard à la pile avoisinante de sandwichs au jambon avait bientôt instillé le doute : entre ses deux tranches de pain, le jambon avait exactement la même couleur et le même format que le poulet – un mince rectangle aux bords bien nets. Le sandwich que je lorgnais n'était-il point plutôt un specimen classé jambon échappé de la pile ? A la réflexion, ça aurait aussi bien pu être de l'emmental...

Je consultai le jeune homme préposé au service pour un avis autorisé. Il jeta un regard rapide à la chose et s'exclama d'un ton désabusé :
« Je leur ai déjà dit de ne pas mettre le poulet à côté du jambon... ».

Et nous en étions là, semblablement perplexes dans cette après-midi d'hiver, devant la banquette réfrigérée dont les leds fluorescents incitaient à la contemplation. Inspiré par ma récente lecture d'un commentaire de l'Abhidharma sur les 5 skandhas par Chögyam Trungpa (Regards sur l'Abhidharma), il ne m'en fallut pas davantage pour faire un parallèle entre ce sandwich putatif et l'individu générique auquel je m'identifiais.

N'étions-nous pas tous deux, dans nos filières de fabrication respectives, si bien usinés et conditionnés que nous ne nous distinguions en rien de nos contemporains ?

Et pourtant je me vivais, non seulement différent du reste du genre humain, mais qui plus est comme le centre et le point d'aboutissement – le nombril – de toute situation. Et cela à la suite d'un conglomérat de procédés aussi complexe qu'ingénieux – décrit à merveille dans l'étude des cinq skandhas (un des plus passionnants enseignements du Bouddha qui dissèque, depuis la méditation,
les différentes strates du processus de création du moi).

Dans la chaîne de production égotique, sensations, pensées, perceptions, émotions sont soumises à des manipulations dignes de l'industrie alimentaire. Chaque particule de notre être est pareillement hachée menue puis recomposée après avoir subi d'innombrables transformations visant à faire de l'ensemble un produit de grande consommation, avec, en succédanés de la fraîcheur d'origine, ses doses ad hoc d'émulsifiants, conservateurs, colorants, exhausteurs de goût, sucres et traces éventuelles d'arachides.

Mais le plus étrange n'est-il pas que, contrairement à ces malheureux animaux, nous soyons les propres instigateurs de notre dénaturation ? Autre différence notable : la date de péremption du moi se compte en micro-secondes. Aussi, tandis qu'on devient sandwich sans retour possible à sa situation antérieure, l'illusion du moi – cette séparation artificielle de l'homme d'avec son milieu – est constamment à refaire d'un instant sur l'autre. Ce qui, soit dit en passant, donne à un pratiquant autant d'opportunité de ne pas enclencher l'extrudeur– et de rester ainsi dans ce que l'on peut appeler l'état naturel de l'esprit.

J'avais donc bien conscience que ce parallèle entre l'homme et le sandwich avait ses limites.

Mais (simple naïveté peut-être de ma part) je restais persuadé qu'avant de se faire entreprendre par les machines, il y avait dû y avoir au départ de cette denrée quelque chose apparenté à une volaille ou un cochon. Exactement comme, avant d'être aspiré dans le hâchoir automatique des 5 skandhas, j'avais dû être un être humain à part entière, vivant librement dans les ors et les affres de ce monde.

La communauté de nos épreuves me fit considérer le malheureux sandwich d'une mine compatissante. 

Se méprenant sur mes intentions, le serveur, pour encourager mon choix, crut bon de s'exclamer avec une légitime pointe de fierté dans la voix :
« Quoiqu'il en soit, grâce à la traçabilité à laquelle sont systématiquement soumis nos produits frais, nous pouvons vous certifier que toutes nos viandes sont d'origine animale. »

Certes. Je fus songeur un moment encore. N'était-ce pas là le signe que j'attendais pour devenir végétarien ? Mais un coup d'oeil sur les salades du bac voisin me fit entrevoir que cela n'aurait fait que déplacer le problème.

Aussi, perché sur un tabouret face à la vitre fumée derrière laquelle vrombissait le trafic, préférai-je me fendre d'une dernière allégorie avant de regagner mon véhicule. Echoué sur cette aire d'autoroute, j'étais pareil à l'individu lambda coincé entre deux skandha : une sensation de faim (symbole de l'insatisfaction de l'être égaré dans l'impasse du moi) m'avait confronté avec quelque chose vendu comme de la viande – qui n'était autre que mon rapport à la réalité frelaté par les reconstitutions des skandhas précédents. Désormais trop loin de toute autre source de nourriture dans ce désert de bitume clôturé de barrières de sécurité, la logique égotique me poussait vers le skandha suivant : avaler tel quel cet ersatz de réalité – et, très provisoirement rassasié en tant que sujet maître du monde, reprendre le volant dans une fuite en avant qui m'éloignait toujours davantage d'une liberté qui m'entourait pourtant patiemment – attendant que je veuille bien cesser de me débiter en tranches.

Yves Dallavalle
Chapendu

lundi 12 décembre 2016

L’ego rend tout sérieux et important, alors que l’esprit rit de tout

Dans une de mes lectures, je suis tombée sur une citation qui m’a fait penser à la fraîcheur de la pratique de la méditation.
«  l’ego rend tout sérieux et important, alors que l’esprit rit de tout »*
Au fil des heures posées sur le coussin, nous apprenons à voir comment la logique du "moi-moi-même-et-encore-moi" solidifie la situation, les pensées, les émotions. 

Cette logique leur donne un poids et même une gravité, qui non seulement n’est absolument pas nécessaire mais qui de plus empêche tout rapport libre à cette situation étonnante, cette pensée saugrenue, cette émotion inattendue. 

Cette logique de l’ego, pour reprendre le terme de la citation, restreint terriblement notre expérience.
Si l’esprit rit de tout, c’est bien qu’il peut-être bondissant, ouvert, vigilant, posé … et, en tous cas, insaisissable. 

L'esprit a quelque chose de facétieux qui, lorsque nous nous y ouvrons, fait naître un sourire complice au creux de notre être.

Marine Manouvrier
Bruxelles
 
* "Les neuf leçon du guerrier maasaï" de Xavier Péron aux Editions Jouvence

samedi 10 décembre 2016

N'ayons plus peur


Jeudi dernier, l'École occidentale de méditation recevait Thupten Jinpa pour son unique intervention en France. 

Auteur d'une dizaine d'ouvrages dont le tout récent "N'ayons plus peur - Oser la compassion peut transformer nos vies" Thupten Jinpa est chercheur à l'institut de neurosciences de l'université de Stanford (aujourd'hui la plus réputée aux États-Unis devant Harvard) ; il est également l'interprète officiel du Dalaï Lama pour l'Amérique du Nord. 

Plus de 200 personnes étaient réunies pour écouter cet homme au parcours étonnant : élevé dans la tradition tibétaine et nommé très jeune responsable d'un monastère en Inde, Jinpa a quitté sa robe de moine à 38 ans pour fonder une famille et enseigner la méditation en Occident. 

Son livre retrace rapidement son parcours et explique en détail en quoi la compassion est, non pas un rêve inatteignable, mais un mouvement aussi naturel pour l'homme que celui de la colère ou de la jalousie ! La compassion est propre à l'humanité et il suffirait juste de lui laisser prendre sa place pour qu'elle devienne une force de transformation puissante et non violente.
L'objectif de son livre, écrit-il, est de 
"redéfinir la compassion pour montrer que nous pouvons tous la comprendre, et la repositionner dans nos vies et notre société comme une chose que nous voulons - et pas juste une chose que nous devons - mettre en application. J'espère ramener la compassion du rôle d'idéal à celui de force active dans la confusion de la vie quotidienne."
et encore
"Ne pourrait-on pas imaginer que la compassion ne soit plus un secret du bonheur, mais une valeur reconnue, un principe organisateur de la société et une force motrice du changement ?"

Pour reconnaître et développer cette compassion native, Tunpten Jinpa propose de nombreux exercices et des pratiques dédiées qui ont donné naissance à un cursus enseigné avec succès à Stanford.
"Notre but n'est pas simplement de nous intéresser à la compassion comme à une valeur humaine essentielle ou d'accroître notre empathie envers les autres. Il s'agit plutôt de proposer une pratique systématique destinée à en faire le principe fondamental régissant tous les aspects de notre existence, depuis la façon dont nous nous voyons nous-même et interagissons avec autrui jusqu'à l'éducation de nos enfants et notre engagement dans le monde." 
Autre atout remarquable de l'approche de Tupten Jinpa, c'est qu'il nous montre précisément qu'apprendre à ouvrir peu à peu notre cœur fait grandir notre courage. "Partout les gens qui avant m'étaient étrangers, sont devenus réels pour moi" témoigne l'un de ses étudiants.

Cette invitation à oser la compassion est plus que jamais d'une brûlante actualité.

Merci à notre amie Anne Fischler pour le remarquable travail de traduction qu'elle a mené en direct pour permettre à toutes et à tous de ne pas perdre "une miette" de cette passionnante conférence !

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mercredi 7 décembre 2016

Se regarder le nombril

Quand, au cours d'une discussion, je dis à mes amis que je médite, il arrive parfois que certains me répondent : « ah bon... tu as le temps de te regarder le nombril ?... ». 

Voilà bien une idée fausse - et très répandue - sur la méditation, celle qu’il s’agirait d’un exercice d’introspection.

La méditation n’invite pas à se centrer sur soi-même, mais plutôt à retrouver son centre. 

La posture de méditation dans son entièreté nous dit comment retrouver un axe, un centre à partir duquel notre intelligence, notre singularité, notre bonté, notre beauté peuvent se déployer. 

Elle nous invite à nous ouvrir, par la délicatesse et la vivacité des perceptions sensorielles, au lieu de nous replier en décortiquant nos ressentis.

Il ne s’agit pas de trouver qui nous sommes en cherchant à l’intérieur de nous de manière analytique ou psychologique, mais de nous ouvrir, avec détente et attention, à notre manière d’être au monde, à notre manière de faire, puis à notre vérité propre.

En illustration, l’Escargot en papier découpé de Matisse, photographié à la Tate Modern de Londres.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mardi 6 décembre 2016

La dimension bienveillante de la Pleine présence

« Dans la pratique de la Pleine présence, nous laissons être ce qui nous concerne. Si une douleur est là, lancinante, plutôt que d’essayer de s’en débarrasser, le geste est de la laisser prendre sa place. 
Pas toute la place, mais sa place, dans l’ensemble de la situation, sans nous couper de toutes nos sensations, des autres et du monde »

 


Un petit extrait de l’enseignement 
« la dimension bienveillante de la Pleine présence » donné par Clarisse Gardet à Bruxelles dimanche 4 décembre dernier

vendredi 2 décembre 2016

Un peu moins de soi, un peu plus de grandeur

Rythme et danse, édité par l'Institut Hongrois de Paris.
Deux citations de Fabrice Midal ont retenu mon attention car, bien qu’issues de deux livres différents, elles se répondent avec une belle harmonie :
  « La méditation invite à un mouvement qui pourrait se résumer ainsi : un peu moins de soi-même et un peu plus de grandeur* ! » 

« L’amour émerge à mesure que s’estompe le souci de soi-même. »

C’est une expérience que je fais souvent : quand je suis trop préoccupée par moi-même, j’étouffe, je vois la vie en gris, je perds de vue l’espace autour de moi et… J’oublie d’aimer ! 

Pour laisser l’amour se déployer, de manière simple et juste, il peut suffire parfois de laisser sa place au monde, au lieu de chercher frénétiquement sa propre place. 

Il peut suffire d’écouter la musique du monde au lieu de vouloir le remplir de nos bavardages. 

Se ficher la paix quelques instants au lieu de tout prendre au sérieux, se mettre légèrement en retrait, faire silence pour mieux voir peut suffire pour retrouver le chemin de notre cœur et laisser l’amour chanter. 

Et pour cela la méditation est une voie royale.

Marie-Laurence Cattoire
Paris


Ressources : 
* référence à une célèbre phrase de Marina Tsétaeva
Pratique de la méditation – Livre de Poche
Petite philosophie des mandalas – Seuil

jeudi 1 décembre 2016

Une tasse de thé

Boire une tasse de thé peut être un moment très privilégié si nous savons y prendre soin.

Il y a le temps de la préparation. Nous choisissons un thé particulier en fonction de la situation, selon que nous le buvons seul ou accompagné, selon le moment de la journée ou le temps qu’il fait dehors, ou encore en fonction de notre état d’esprit. C’est l’occasion de prendre un peu de temps pour essayer de percevoir la tonalité du moment dans lequel nous nous trouvons et de nous y accorder. Si nous le pouvons, nous choisissons aussi une belle théière et de jolies tasses, qui embelliront l’ensemble et contribueront à rendre ce moment plus précieux. Nous faisons chauffer l’eau, en prenant garde qu’elle soit à la bonne température. Nous laissons le thé s’infuser et sommes attentifs à ce qu’il déploie complètement ses arômes sans devenir trop saturé ou trop amer.

Le thé est prêt, nous pouvons le servir. Nous avons choisi un endroit calme et chaleureux où le prendre, et nous nous sommes assurés que nous n’y serons pas dérangés. Nous versons le thé dans la tasse. C’est le moment crucial où tout bascule. On entend le bruit de l’eau qui coule délicatement. La tasse se remplit et tout l’espace autour d’elle s’en trouve modifié. Un nuage de vapeur se développe, monte vers le ciel et s’évanouit dans l’air. Dans le même temps, le parfum du thé vient se répandre délicatement jusqu’à nous. L’atmosphère a changé : le thé a déjà opéré sa magie. Il a teinté l’espace. Il a ouvert un nouvel horizon.

Si nous étions seul, nous ne le sommes plus vraiment. Par l’espace qu’il a ouvert, le thé nous a reliés au reste du monde, et nous invite tendrement à lui dire bonjour. Si nous avons la chance de partager le thé à plusieurs, certainement que les liens qui nous unissent se sont trouvés renforcés au moment où le thé a été versé. Nous pouvons alors apprécier simplement la compagnie de nos amis avec confiance et douceur.

Depuis que je pratique la méditation, je découvre la joie de bonheurs simples comme celui de boire une tasse de thé. J’aime les explorer toujours plus avant et découvrir à quel point ils sont pleins de délicatesse et d’infinies subtilités. 

Ils n’auront jamais fini de m’émerveiller.

Illustration : Jean Siméon Chardin, Dame prenant son thé, vers 1740-1750, Glasgow, The Hunterian Museum and Art Gallery.


Benjamin Couchot
Paris

mercredi 30 novembre 2016

Avez-vous votre passeport ?

Un sentiment de culpabilité est une chose bien intéressante en vérité. Cela me fait penser à un passeport. On le présente à la police des frontières pour montrer qu’on est en règle, qu’on a bien fait les démarches administratives comme il faut et qu’on peut passer. 

C’est bien pratique parce qu’on n’a pas besoin de se montrer tel que l’on est : un être humain. Il suffit d’avoir le papier même si pour cela il a fallu faire les démarches et payer les timbres fiscaux. 

Le policier ne nous regarde d’ailleurs pas particulièrement. ll regarde seulement le document et vérifie que physiquement on ressemble bien à la photo qu’il a sous les yeux.

Quand j'ouvre mon passeport de culpabilité, je peux y lire :

« Mr Xavier Ripoche a bien souffert comme il faut, il a payé de sa personne, il mérite qu’on le laisse passer tranquillement sans l’embêter »

Je me souviens d’un jour quand j’avais 9 ou 10 ans le maître d’école nous avait punis, moi et des camarades de classe parce que nous avions fait des bêtises (je ne me souviens plus quoi). Nous nous étions retrouvés les mains sur la tête au fond de la classe. C’était la honte franchement, mais c’était le prix à payer.

Sur le coussin de méditation c’est aussi une possibilité intéressante le passeport de culpabilité. On se dit : « tu étais perdu dans tes pensées, ce n’est pas bien et tu devrais être puni, mais bon montre-moi ton passeport de culpabilité et ça ira». Au fond cela permet de ne pas faire véritablement l’épreuve de la pratique de la méditation. Accepter pleinement qu’on est ailleurs sans en faire tout un plat serait tellement plus simple.


Etre sans papier est une autre affaire. Il faut assumer ce que l’on est sans se défausser avec un passeport, assumer une certaine nudité. Mais au bout du compte qu’est-ce que c’est bon de voyager léger sans s’encombrer de toutes ces paperasses. C’est cela je crois le sens de se foutre la paix.


Cela a aussi à voir avec la différence entre la morale et l’éthique. Dans la morale, on a des repères, on sait ce qui est bien et mal. Si on fait quelque chose de mal il faut payer. L’éthique c’est autre chose, c’est plus subtil. Il n’y a pas de règle établie. On peut faire quelque chose qui est contraire à l’ordre moral et qui pourtant est juste dans la situation. Au bout du compte, même si c’est moins facile, on n’a pas besoin de paraître autre que ce qu’on est. Quelle détente! 


Beaucoup de gens se demandent à quoi sert la méditation. J’ai envie de dire que la méditation sert à ranger la morale et les passeports dans un tiroir et à découvrir une manière libre et éthique de vivre.


Xavier Ripoche
Paris

lundi 28 novembre 2016

Sommes-nous bienveillants avec nos proches ?

La vieille au chapelet - Paul Cézanne.
Il y a environ un mois je me suis retrouvée chez ma maman. 

Elle est devenue une vieille femme difficile, elle ne pense plus qu’à son chapelet - plus grand’ chose de la vie sur terre ne l’intéresse vraiment.
Je lui en veux un peu de se laisser aller, de manquer de tenue, de ne pas soigner ses repas, de laisser de la nourriture périmée s’accumuler dans son réfrigérateur.
Elle qui a été si « parfaite » ne veut plus faire de cuisine. 

Contre toute attente, elle propose de préparer un repas pour nous deux. 

Mais quel repas ! Un Kaiserschmarren,  un plat principal sucré typiquement autrichien - dans la langue courante  on emploie le mot Schmarren pour désigner  une situation bête, une gentille connerie ; en gastronomie il s’agit d’un plat composé d’œufs, de farine et de lait, une sorte de pâte à crêpe. On raconte que l’empereur François-Joseph aurait beaucoup apprécié ce mets, d’où son nom.  Le plat a été amélioré en son attention -  les blancs des oeufs  sont  désormais montés en neige.   Ceci assouplit la texture  de la pâte mais il faut alors de la dextérité  pour la tourner dans la poêle et l’entailler directement afin de faire dorer toutes les faces des morceaux. 

Je n’aime pas beaucoup ce plat. 

Etant entraînée un peu à la bienveillance aimante, un quart de seconde d’écoute de la situation m’empêche d’exprimer illico mon aversion.
Je dis oui.
Je dis oui à ma mère. 

Je vois ses mains grassouillettes, ses mouvements devenus lents - elle qui était toujours rapide, impatiente - son geste un peu maladroit. Elle mélange la pâte, monte les blancs d’oeufs en neige avec son mixer n’ayant pas servi depuis longtemps. Je la vois mettre une quantité considérable de graisse dans la poêle, je ne m’exclame pas ‘quelle horreur’, mais je la regarde faire. Et je vois qu’il se passe quelque chose, petit à petit c’est comme si la vie d’autrefois revenait en elle.
Elle est contente d’avoir réussi à donner la bonne consistance, d’avoir su tourner délicatement et  de donner une belle couleur dorée.
Nous nous asseyons, saupoudrons de sucre glace, dégustons le Kaiserschmarren accompagné d’une compote de prunes rouges. 

Ma mère est heureuse et se délecte.
Je suis heureuse aussi car quelque chose nous unit - nous sommes ensemble, nous partageons un repas fait par ses mains maternelles  -  ces mains que j’ai pu détester - maintenant, comme plongée dans cette enfance autrichienne par l’odeur et le goût du Kaiserschmarren, j’avale des larmes retenues. 

Quand ma mère ne sera plus, plus personne ne préparera du Kaiserschmarren pour moi.

Elisabeth Larivière
Paris

vendredi 25 novembre 2016

Poésie et méditation, des actes subversifs ?

Je pense souvent à cette phrase de Marina Tsvetaeva
« La poésie, partant de la Terre - c'est le premier millimètre d'air au-dessus d'elle ».
Il est question dans la poésie comme dans la méditation de respiration. Cela ne veut pas dire que le monde serait irrespirable et qu’il faudrait se réfugier dans la poésie ou la méditation comme dans un havre de paix séparé de la réalité, mais que peut-être par la poésie ou la méditation on pourrait découvrir un autre rapport au monde. 

Aujourd’hui j’ai l’impression d’avoir fait mille choses. Ma journée a été une suite d’événements qui se sont succédés de façon continue. Le temps était compté à la minute. Réunions, trajet en voiture, rendez-vous, gare,TGV... Tous les événements de la journée se sont enchainés ainsi.

Rentré chez moi, je m’assois sur le coussin et enfin je respire. Je redécouvre comme un enfant la joie d’inspirer, d’expirer, la joie d’être et je vois du même coup par contraste le speed dans lequel j’étais tout au long de la journée et auquel je m’étais presque habitué. 

Nous sommes tous pris par moments dans cette spirale de la suractivité et nous ne voyons souvent aucune issue. Ma fille au lycée est submergée de devoirs. Elle n’a plus de week-ends. Elle n’a plus de vacances. Elle a l’impression qu’on lui vole son temps, sa jeunesse. Que faire ? Que lui conseiller ?

Alors je pense à la petite phrase de Marina Tsvetaeva. La poésie comme la méditation sont des actes subversifs dans notre monde affairé. Elles sont l’une comme l’autre le premier millimètre d’air au-dessus de la terre. On peut y respirer. Par elles il est possible de retrouver le contact avec la vie, la joie et l’esprit d’enfance.

Xavier Ripoche
Paris

mercredi 23 novembre 2016

La peinture comme animal

Peinture Elisabeth Larivière - Photo Claire Cocano.
Si, à Paris, vous entrez au 38 rue de la Folie Regnault à la galerie Beauvoir – vous trouverez le silence dans la joie profonde où vous l'aurez laissé. Car c'est là que Elisabeth Larivière expose sa peinture jusqu'au 29 novembre. Vous entrez, vous ne savez rien, vous dites bonjour au hasard – qui vous répond – vous vous promenez au gré de stations plus ou moins prolongées – vous bondissez, rebondissez dans le sillage des gestes sans intention d'Elisabeth – vous souriez, vous ne cherchez pas plus loin, vous êtes arrivé. Le silence vous a fait comme il a fait la toile et il garde tout du long un doigt au bord des lèvres, sans que vous sachiez jamais si c'est pour taire un secret ou pour vous révéler. 

Là où avant le geste se tenait une cadence – une tonalité est apparue. Dont les masses s'agrègent par une communauté d'allure pour glisser ensemble sur un même plan – veillées par une profondeur de champ trouée par d'autres couleurs prenant sans heurt leur propre tangente. Vous vous réjouissez d'être ainsi enfanté dans un monde si frais. Il a dû y avoir une main ici – partie caresser l'encolure de quelqu'animal jamais pensé.

C'était donc pour ça le silence – convoquer, par capillarité de sens, l'animalité de la peinture entre les murs de cet ancien atelier. 

Mais cette âme qui s'anime – ce qu'elle fait tourner de monde – vers quel dessein ignorant de lui-même et sacré ? Ce qui danse ainsi dans le vide – s'y frottant après s'y être désaltéré – où cela va-t-il se blottir et de quelle évidence sommes-nous alors délivrés ? 

Peut-être celle de se croire oublié, dès qu'on détourne le regard, de ce qui tient là dans l'innocence. C'est en tout cas l'expérience que nous fîmes samedi dernier, méditant dans la salle du rez-de-chaussée, entourés des tableaux d'Elisabeth. Nous étions une trentaine à pratiquer sur nos chaises dans une même écoute cette autre liberté. Toute gestuelle abandonnée, les yeux et les oreilles ouverts à l'entièreté sans rien fixer, nous faisions monde en ce bruissant silence, dans l'inconnue qui signe ailleurs et autrement le passage au point d'équilibre. On aurait dit qu'après l'apparition des choses de l'art – l'apparition de l'être nous assemblait.

Autour de nous, les toiles se tenaient animales – n'embarrassant d'aucun devoir la communauté d'existence où elles conviaient par leur simple présence les témoins muets que nous étions devenus de leur éternelle fugacité.
   

Yves Dallavalle
Chapendu

Galerie Beauvoir, 38 rue de la Folie-Regnault, Paris 75011, à partir du 12  au 29 novembre 2016.

lundi 21 novembre 2016

Donc, c'est non ?


Plongée dans le livre « Donc c’est non » qui reprend les lettres de refus divers de Henri Michaux, je ne cesse d’admirer sa féroce intégrité qui lui permet cette incroyable intransigeance couplée d’une aussi incroyable justesse.

Cette intolérance exacerbée pour tout ce qui fige, enserre et estampille est à mon sens exemplaire. 

C’est un brin radical évidemment mais grâce à cette radicalité apparaît un amour fou du vivant, du mouvement, de la reconfiguration en permanence du réel

N'est-ce pas à cela que nous nous mettons à l'écoute sur le coussin de méditation ?

Voici un extrait d’une lettre où Michaux refuse la publication d’une photo de lui.

« Mes livres montrent une vie intérieure. Je suis, depuis que j'existe, contre l'aspect extérieur, contre ces photos justement appelées pellicules, qui prennent la pellicule de tout, qui prennent tant qu'elles peuvent, les maisons familiales, les murs, les meubles, tout ce qui est permanent et stabilité et que je n'accepte pas, au travers de quoi je me vois passant. Tout ce que dans ma mémoire j'atomise, c'est ça que vous voulez faire apparaître. »



Marine Manouvrier
Bruxelles

samedi 19 novembre 2016

Une petite brèche dans notre bavardage mental

Je me souviens d’un grand restaurant en pleine nature où assis à table on pouvait contempler le paysage sauvage et au loin les montagnes de l’Ardèche. 

Tout concourait à créer une atmosphère particulière : la disposition de la table, la décoration, le ballet des personnes qui faisaient le service, la qualité de la nourriture, la musique. 

Je revois encore les assiettes artistiquement préparées qui nous étaient servies. 
La couleur et la saveur des aliments étaient en accord avec le paysage environnant. 
C’était une expérience pleine qui éveillait les sens et qui disposait à une ouverture au monde. 

Pourtant, apprécier une telle situation demande une certaine disposition d’esprit. On peut très bien aller manger dans un grand restaurant et passer à côté de l’expérience qui est proposée. On peut être préoccupé par un problème personnel et ne pas parvenir à être pleinement présent. On peut chercher à critiquer tel ou tel point, vouloir évaluer la qualité des aliments ou du service ou penser que cela coûte décidément bien cher. 

D’une certaine façon il y a un effort à faire ou plutôt un non-effort puisqu’il s’agit plutôt de se détendre dans l’expérience. 

Je vois un peu un stage ou un séminaire de méditation comme un repas dans un grand restaurant. 
De la même façon, l’apprécier demande une certaine disposition. 
Des personnes préparent le lieu, le décorent, ordonnent l’espace pour qu’il contribue à nous faire entrer dans une expérience. Les intervenants nous font goûter des enseignement ayant des saveurs nouvelles. 

Pour autant, être en mesure d’apprécier pleinement ce qui est offert demande de notre part un petit quelque chose, un état de réceptivité, un « non-effort », une détente, une petite brèche dans notre bavardage mental, ce petit rien qui est là, juste avant l’envie d’évaluer l’expérience, juste avant de penser « j’aime » ou «  je n’aime pas ».

Xavier Ripoche
Paris

vendredi 18 novembre 2016

Suivre le mouvement de l'automne

Nicolas Poussin, L’Automne, 1660, Paris, musée du Louvre.
L’automne est le moment de l’abandon. Peu à peu les feuillages se dérobent, le soleil se fait plus rare, les jours s’engourdissent. Peu à peu la nature rentre en elle-même. Les activités du printemps et de l’été s’estompent. Puis s’arrêtent. Nous pouvons sentir nous-même comme nous sommes un peu plus las, comme nous sommes appelés à ralentir notre rythme. Bien sûr nous essayons de lutter contre ça. Notre monde accepte mal cette baisse de régime. Mais au fond notre résistance est vaine. Il y a bien quelque chose en nous qui, à l’imitation de ce qui a lieu autour de nous, s’éteint petit à petit. Tout se prépare à l’accalmie hivernale.  

Mais conjointement à ce mouvement d’abandon, l’automne offre aussi d’incroyables cadeaux. Toute la nature s’est habillée d’or. Les arbres donnent leur plus beaux fruits, qui tombent généreusement au sol, remplis de soleil. Tout se donne entièrement dans l’automne. Rien n’est gardé en réserve. Ce mouvement dans lequel la nature donne, ne garde rien pour elle, pas même sa propre substance, jusqu’à s’épuiser complètement est absolument magnifique. Les choses se sont ouvertes, les choses se sont épanouies, les choses ont accumulé de la richesse, puis elles se sont données, entièrement, avant de se retirer silencieusement. C’est tellement émouvant. C’est le mouvement même du vivant.

Ce qui se passe dans la pratique de la méditation est à l’image de cette manière dont le don et l’abandon animent ensemble l’automne d’un seul et même mouvement. Quelque chose s’abandonne dans la pratique. Le seul fait de prendre un moment pour s’asseoir et ne rien faire implique un abandon. Nous abandonnons ces quelques instants que nous aurions pu consacrer à autre chose. Nous abandonnons nos activités – ou notre agitation. Nous abandonnons le divertissement. Puis, une fois assis, nous abandonnons nos mouvements, nos paroles et jusqu’à nos pensées et nos émotions. Les choses surviennent, mais nous ne nous y attardons pas, nous les laissons passer. Nous abandonnons l’idée d’être ailleurs que là où nous sommes, d’être autre chose que ce que nous sommes, de vivre autre chose que ce qui se présente à nous ici et maintenant, moment après moment. Nous nous abandonnons à chaque instant. Et à mesure que cet abandon a lieu – un peu malgré nous qui résistons toujours – quelque chose du mouvement fondamental de la vie se donne. Dans notre souffle, dans la palpitation de l’air qui nous entoure, quelque chose de tout à fait simple et silencieux mais de si plein et de si généreux se montre doucement.

J’aime profondément l’automne, car à chaque instant il me ramène à cet espace doux et généreux de l’abandon que je découvre au fil des pratiques et qui me réchauffe profondément le cœur.

Benjamin Couchot
Paris

mercredi 16 novembre 2016

Prendre soin de ses blessures

Nous avons tous très peur d’avoir mal, d’avoir trop mal, ou d’être trop inquiet, trop triste, trop seul, trop stressé…

Nous avons parfois si peur que nous ne rencontrons aucunement ce qui nous arrive. 

Nous faisons tout pour l’éviter, pour nous éloigner de ces douleurs ou de ces peines, pour les noyer…

Premier réflexe : fuir devant la peine…

Grâce à l’entrainement que nous offre la méditation, nous apprenons à devenir un peu plus courageux : la méditation nous invite à accueillir ce qui est, comme c’est, sans bouger, sans chercher à faire quoi que ce soit, mais en regardant avec précision et douceur.

Alors au lieu de rester juste un inconfort flou, une douleur irréelle, une inquiétude sourde mais même pas nommée, nous apprenons à entrer en relation avec nos peurs, nos incertitudes, nos malheurs. 

Et du fait même de les reconnaître nous pouvons commencer à en prendre soin, à les accueillir au lieu de les fuir, à les bercer au lieu de les ignorer.

Car ignorer ce qui nous arrive ne marche jamais ! Nous sommes toujours rattrapés par la réalité.

Refuser le réel est toxique.

En conclusion, une citation de l'écrivain humaniste Romain Rolland, tirée de son livre La vie de Michel-Ange, 1907.
« Il n’y a qu‘un seul héroïsme au monde : c’est de voir le monde tel qu’il est, et de l’aimer. »

Cet article est extrait de l'enseignement donné le jeudi 10 novembre 2016 dans le cadre des soirées dédiées à l'Amour bienveillant et offertes aux membres amis de l'École.

Marie-Laurence Cattoire
Paris


mardi 15 novembre 2016

Ces vêtements qui embarrassent la relation

Fabrice Midal a eu cette phrase surprenante lors du séminaire Foutez-vous la paix : 
« mon père n’est pas mon père, c’est un vieil homme avec qui je vais déjeuner ».
 
Je ne cesse depuis lors d’éprouver les effets opératifs de cette phrase.
 
Loin du scoop auquel nous pourrions penser naïvement, cette phrase nous dit simplement qu’il est possible de déposer là ces vêtements trop lourds des rôles que nous portons, bien souvent par habitude, et qui embarrassent la relation (que ce soit avec notre père, notre fils, notre amie, notre amant, comme vous voulez).
 
Comme cela n’a aucun sens de généraliser quand il est question de relation, je vous propose de faire l’expérience vous-même avec l’un ou l’autre de vos proches lors de votre prochaine rencontre et de voir ce qui advient.
 
Peut-être qu’il y a quelque chose du libre mouvement du réel qui apparaitra.
 
Ce mouvement que nous n’en finissons pas d’apprivoiser sur le coussin de méditation.
 


Cet article est extrait d'un enseignement donné à Bruxelles, lors des soirées pour apprendre à méditer.
 
Marine Manouvrier
Bruxelles

vendredi 11 novembre 2016

Je rêvais d'être un chevalier...

Lorsque j’étais enfant je rêvais d’être un chevalier, un héros que tout le monde admirerait. Mes parents, mes frères et sœurs enfin se rendraient compte que j’étais quelqu’un d’extraordinaire, d’exceptionnel et m’aimeraient.

Adolescent je me suis efforcé de faire des études brillantes. J’avais toujours l’idée de m’attirer l’admiration et le respect des autres.

Aujourd’hui encore, des années plus tard cette recherche « d’être quelqu’un » est toujours là parfois. Elle peut prendre des formes très subtiles, comme par exemple le fait d’écrire ces lignes et d’espérer que le Post sur Facebook sera « Liké »...

Ce qui a changé il me semble avec la méditation c’est que je peux arriver à voir avec humour cette tendance.

Je comprends alors les paroles de Fabrice Midal sur l’amour : autant se sentir relié aux autres, se sentir aimé sans raison, parce qu’on est un être humain est un cadeau, autant chercher à s’attirer l’admiration et vouloir être aimé des autres est un poison.

Je vois aussi que l’amour s’apprend. On peut grandir en amour, on peut toucher cet amour inconditionnel en particulier par les pratiques de bienveillance qui sont transmises dans l'École occidentale de méditation.

Ainsi, plutôt que de vouloir à tout prix être aimé des autres, chercher de la reconnaissance, s’efforcer d’apparaître comme extraordinaires, détendons-nous, foutons-nous la paix et apprécions le fait d’être des personnes ordinaires qui sont aimées inconditionnellement.


Xavier Ripoche
Paris

mercredi 9 novembre 2016

La vie pour témoin

Peindre a une forte résonance avec la pratique de la méditation : 
cette ouverture à ce qui advient et qui peut laisser venir une forme d'inspiration, cette confiance dans le geste, l'implication corporelle que peindre induit... 

Mon amie Elisabeth Larivière, qui est intervenante à l'École occidentale de méditation, travaille avec beaucoup de délicatesse ce lien entre la peinture et l'espace qu'ouvre la méditation. Pour elle, ces deux pratiques sont intimement liées, tout comme celle du Qi Gong, qu'elle exerce et enseigne depuis des années. 

Récemment, Fabrice Midal lui a d'ailleurs demandé de proposer de courtes sessions de Qi Gong pendant les séminaires, entre deux séances de méditation assise. Toutes celles et ceux qui ont pu suivre ces exercices de Qi Gong peuvent témoigner de la puissance du geste d'Elisabeth.

Aujourd'hui  la galerie Beauvoir est généreusement mise à sa disposition  par Luc Weizmann, pour lui permettre de  présenter ses œuvres sous un autre angle.  

Elle y animera deux ateliers de Qi Gong sur place, parmi les tableaux. 

Yves Dallavalle, autre intervenant de l'École occidentale de méditation, et grand ami poète, livrera quelques réflexions sur l’art, sur le silence et guidera une méditation le 19 novembre à 17h00.

Au plaisir de vous retrouver nombreux.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

Galerie Beauvoir, 38 rue de la Folie-Regnault, Paris 75011, à partir du 12 novembre prochain (vernissage samedi soir de 18h à 21h). L’atelier Qi Gong est en accès libre, pour la Conférence, la participation est de 10 €. Le nombre de places étant limité il est important de s’inscrire aux évènements : elisabethlariviere@gmail.com


samedi 5 novembre 2016

Refuser l’ordinaire

Où les coquillages concassés font la beauté de cette grève.
Lors du séminaire « Foutez-vous la paix ! », une citation de Henri Michaux lue par Fabrice Midal m’a particulièrement frappée :

«  Avec tes défauts, point de hâte.
Ne va pas à la légère les corriger.
Qu’irais-tu mettre à la place ?
»

Cela renverse d’un coup d’un seul notre perspective. 

Cette citation suggère que si nous liquidons nos défauts, c’est une part de notre être qui disparaît. 

Mais quel nouveau rapport engager alors avec eux ?

Une des méditations guidées du lendemain m’a donné une piste.
A un moment de la pratique, Fabrice Midal nous a proposé de consentir à notre état d’être, là, tel qu’il est.
Ce « Je consens » a vibré dans toute ma chair. 

Plutôt que de traquer nos défauts (au nom de quoi d’ailleurs?), peut-être serait-ce un bon point de départ de consentir à ce qui nous éloigne de l'ordinaire !

Marine Manouvrier
Bruxelles