Les quatre saisons étaient nettement distinctes et les passages de l’une à l’autre d’une grande régularité. Chacune déterminait notre vie si fondamentalement.
L’attente de la neige par exemple - je me rappelle les nombreux matins où j’essayais de deviner une éventuelle chute de neige aux sons venant du dehors avant de tirer les rideaux, parfois ce fut la déception, parfois la grande joie.
Puis la fonte des glaces au printemps et cette odeur incomparable de la terre trempée d’eau.
Puis il y avait aussi la fenêtre à laquelle ma grand-mère s’accoudait des après-midi entiers pour voir des gens passer, les interpeller ou simplement imaginer où ils allaient et ce qu’ils allaient faire. La fenêtre est toujours là, inchangée mais il n’y a plus rien à voir.
Les gens ne passent plus, plus que des voitures.
Ces sensations, ces images de mon passé lointain, la pratique de la méditation me les restitue parfois avec une fraîcheur étonnante. Je les reçois comme un cadeau. Elles arrivent comme des couches de roche ou des plaques de glace qui se détachent.
Si je ne prenais pas le temps de m’asseoir, très probablement, je ne saurais pas à quel point tout cela est vivant en moi.
Et cet effet que peut avoir la méditation me fait penser au conte du Liezi, Faire venir le printemps à l’aide d’une cithare, que cite Alexis Lavis dans son très beau livre L’espace de la pensée chinoise dont voici un extrait :
"… Shi Wen ne dit pas un mot et se contenta de sortir sa cithare. Il pinça alors une seule corde et le temps changea brusquement. Nous étions au printemps et, soudain, le vent d’automne se leva et les fruits mûrirent. Il pinça une autre corde et le soleil livra ses rayons d’août et le vert fatigué par l’été gagna toute la région. Enfin, il pinça une dernière corde : le vent du printemps souffla, les fleurs envahirent la plaine et les arbres…"
Elisabeth Larivière
Paris
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