mardi 15 mars 2016

Grand angle

En voyage, j’aime bien prendre quelques photos pour témoigner de ce que j’ai vu et garder des souvenirs.  Ce matin, visite des tombeaux des derniers empereurs du Viet Nam ; créations architecturales étonnantes où, pour évoquer un monde parfait, s’organisent en vastes perspectives temples, pavillons, lacs, bosquets de pins, collines, ponts…

Voulant prendre en photo l’allée de soldats en pierre veillant à l’entrée du mausolée,  je me surprends à me contorsionner pour éviter d’avoir dans mon cadrage une pénible poubelle en plastique vert voisinant avec les statues. 

Cet effort me rappelle que bien souvent,  je me démène de la même façon pour éliminer de mon paysage mental des choses qui me paraissent  imparfaites ou peu glorieuses. Mes poubelles personnelles. 

Méditer, c’est  avant toute chose apprendre à se détendre en posant notre attention sur notre assise et sur notre respiration. Grâce à cette détente, le champ de notre attention s’ouvre de plus en plus largement pour devenir tellement accueillant et spacieux que même une poubelle en plastique vert y trouve sa place. La plénitude ne vient pas d'un monde parfaitement ordonnancé, mais d'une possible présence de tout ce qui est là, dans l'unité du maintenant. 


Dominique Sauthier

dimanche 13 mars 2016

Le travail

Le travail est-il un effort intellectuel ou un engagement physique ? 
Est-il une démarche de l'esprit ou une manière de nous relier corporellement au monde ?


C'est une question éminemment intéressante... En l'espace d'à peine deux générations, une grande partie des métiers et des savoir-faire se sont spécialisés sur une concentration mentale, liée à un puissant appareillage informatique, et qui oublie le corps, qui nous fait oublier que nous avons un corps... 

Et le travail n'est pas le seul lieu où l'avènement de l'intellectuel a eu lieu. Dans la recherche spirituelle également, nous avons la fâcheuse tendance à croire que l'esprit est supérieur au corps.

Voici comment Chögyam Trungpa le dit, avec provocation, dans l'ouvrage Argent Sexe et Travail :

" Nombre de problèmes que les gens ont avec le travail découlent d'une pseudo-sophistication de l'esprit analytique : vous ne voulez plus du tout vous impliquer physiquement. Vous ne travaillez que sur le plan intellectuel ou mental. C'est là un problème spirituel. Il surgit lorsqu'une personne intéressée par le développement spirituel pense en termes d'importance de l'esprit. Nous voudrions avoir une compétence profonde, ou supérieure, accéder à cette mystérieuse compréhension des choses, la plus élevée, la plus profonde, quelle qu'elle soit. En fait c'est dans l'évier de la cuisine ou à l'usine que l'on trouve la transcendance la plus profonde. "

Mais cette tendance n'a rien de fataliste ni d'inexorable. 
La pratique de la méditation en est un antidote formidable, qui nous permet de retrouver une "inscription corporelle de l'esprit" saine, de retrouver la terre immense de l'expérience physique.  

Travail, Sexe, Amour, Argent... Fabrice Midal enseignera sur ces thèmes passionnants, qui ne sont pas en-dehors de la spiritualité et qui doivent nous aider à entrer plus avant dans le monde ; A découvrir lors du prochain grand rendez-vous de l'Ecole, du 14 au 15 mai 2016.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

vendredi 11 mars 2016

Le don du lieu

Comme don (entre autres) la méditation est celui d'un lieu qui, par le pratiquant, se donne sans retenue ni retour. 

Corps entre ciel et terre, nous donnons enfin cette tenue par laquelle nous recevons la majesté d'être à l'entour. Dressés dans la douceur et l'attention, nous participons à l'ornementation du monde – avec l'humilité non séparée des choses telles qu'elles sont. 

Alors le souffle – don de l'être – s'abandonne à la vie mêlée à la mort. Chaque regain d'inspir conduisant davantage d'offrande dissoute dans l'espace qui tout délivre. 

A commencer par l'azur où les pensées passent comme autant d'oiseaux – ne laissant pas plus de trace qu'eux. Exit la veillance dans cette simplicité de l'esprit nu.

Sont-ce les choses encore qui se donnent alors ? Ou la clarté même, poussée comme une fleur amoureuse au cœur du lieu – faisant des manques autant d'étincelles ? 
Serions-nous doués de méditation comme les oiseaux sont doués pour le vol – et pour faire chanter le même espace ouvert ?

Yves Dallavalle
Chapendu

jeudi 10 mars 2016

Les moments vides

Agendas, journées, vacances, travail, vie sociale, soirées, smartphones, disques durs… Tout est  rempli à ras-bord…

Quand j'étais enfant, dans le Périgord, j'aimais passer la fin de journée chez mes voisins paysans qui s'asseyaient dans le "cantou", et restaient là, sans parler, sans presque bouger, regardant le feu, après une longue journée de travail.
J'adorais ces moments vides, où aucun geste ni parole ne s'imposent ni ne vient gêner une quiétude bien méritée.

Aujourd'hui, après avoir couru tant d'années, je retrouve (enfin) le goût de ces moments où rien de particulier ne se passe, où aucune sollicitation ne m'emporte ailleurs. Quand je suis avec un de mes enfants, à ne rien faire ou à marcher sans but particulier. Quand je suis en tête-à-tête avec mon compagnon et qu'il n'est plus utile de remplir l'espace de mots mais que nous pouvons juste apprécier le luxe de notre présence mutuelle. Quand je suis avec une amie, fatiguée et heureuse de la retrouver et de m'asseoir à côté d'elle.

Ces moments vides sont importants car ils permettent à la confiance de se déployer, au malaise de se dissoudre, à la sur-activité de s'évanouir.

Sans la découverte de la méditation, j'aurais probablement complètement oublié ces moments ordinaires et précieux, si furtifs que l'on n'y prend garde, et qui pourtant montrent si bien que nul n'est besoin de convaincre, de conquérir ou de tout remplir pour aimer.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mercredi 9 mars 2016

Comme la neige tombe

Comme la neige tombe – non pas d'abord sur le sol mais dans l'air devant soi devenu palpable, descendant souverainement pour installer le pays au silence – comme la neige épure les sens et fait le cœur content – comme la neige l'esprit se pose. Il marche espacé et nu où les arbres se rencontrent figés dans la posture du ciel. Sur la terre couverte d'événement – de traces sauvages inexplicables, de lisières à la braise, de champs en démesure, de chemins inconnus le long d'une stupeur d'étang. 

L'esprit marche à l'aube avec la neige rare, prodigue, passagère – dans une suspension des affaires. 

Il et elle sont à demeure pour l'instant – instant fugace lourd comme la neige, mobile selon, où une seule mésange suffit à colorier l'hiver.

Yves Dallavalle
Chapendu

mardi 8 mars 2016

Méditer avec les enfants

Notre société étant de plus en plus difficile et exigeante dans un avenir incertain, on apprend très tôt aux enfants qu’ils vont avoir à «se battre» pour se faire une «place dans la vie».
Et pour qu’ils soient le mieux «armés» possible, les parents – qui veulent le meilleur pour leurs enfants et c’est bien naturel – font en sorte qu’ils accumulent un maximum de savoirs et de diplômes.
À côté de ces apprentissages rationnels et organisés autour d’objectifs d’efficacité, il n’y a souvent plus le temps ni la place pour enseigner la façon de faire confiance à son expérience, d’être libre dans son corps et dans sa tête, de reconnaître les moments où laisser parler son cœur. Or, tout ceci est fondamental pour se construire et construire sa vie.

L’ayant expérimenté moi-même, puis travaillant avec des enfants, je suis convaincue que la méditation peut jouer ce rôle. Ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas de s’exclure de la société, d’isoler les enfants ou encore de les priver d’outils utiles à leur développement. Bien au contraire ! Il s’agit de leur donner des ressources pour trouver le chemin qui permettra à chacun d’épanouir sa singularité et de respecter celle des autres.

La méditation n’est en effet pas une « technique », mais  un « chemin » qui modifie notre rapport à la vie, au monde et à nous-mêmes grâce à une qualité d’attention particulière. 
Son effet salutaire réside dans le principe de travailler à partir de sa propre expérience, et non d’assimiler des principes théoriques.
Extrait de l'ouvrage "Méditer avec les enfants" Livre de Poche.
Clarisse Gardet 
Paris

lundi 7 mars 2016

L'ennui

Pour le penseur, et pour tous les esprits inventifs, l'ennui est ce désagréable "temps calme" de l'âme qui précède la traversée heureuse et les vents joyeux ; il doit le supporter, il doit attendre qu'il produise son effet sur lui.

Cette phrase tiré du Gai Savoir de Nietzsche me paraît une définition lumineuse de la méditation.

La méditation n'est pas toujours une partie de plaisir ou un moment agréable, elle permet de faire surgir cet état d'ennui, que nous fuyons habilement la plupart du temps... 

Ce précieux ennui est pourtant bien le signe que l'espace s'ouvre pour accueillir la "traversée heureuse" des événements quotidiens. 
Cet ennui aère notre manière habituelle de voir les choses, il desserre l'étau qui nous enserre sans que nous y prenions attention et, par là, permet un souffle de joie sur notre vie.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

samedi 5 mars 2016

Just BE !

La méditation se dit bhavana en sanscrit, ce mot est construit sur le radical *bhu que nous retrouvons dans « to be » en anglais par exemple. Il signifie être, mais être au sens du mouvement de l’être, tel que l’on peut l’entendre dans bios qui évoque le mouvement de la vie en grec. 
Mais quel rapport avec la méditation? 
Pourquoi cette pratique s’appelle-t-elle bhavana?

Dans la tradition, la méditation est la manière la plus éminente d’être. Voilà qui est bien loin de la présentation actuelle de la méditation comme un exercice qui permet de se sentir plus à l’aise.

Alors qu'assis sur le coussin, nous nous mettons à l’écoute du mouvement de la vie en nous et la seule chose que nous ayons à y faire c’est : Just BE !
Voilà l’exhortation radicale de la méditation ; ainsi pratiquée régulièrement, nous apprenons à nous accorder à notre être et au sens de notre existence.

Marine Manouvrier
Bruxelles

jeudi 3 mars 2016

Vous manquez de temps ? Asseyez-vous !

Nous nous plaignons souvent de manquer de temps. Nos journées sont remplies d’obligations de toutes sortes, et nous aspirons  à avoir enfin du temps pour ne rien faire, du temps libre. « J’aimerais avoir du temps pour moi », entend-on souvent. Pour faire ce que je veux, pour me retrouver, pour échapper au sentiment de devoir sans cesse répondre à des choses qui s’imposent ou qu’on s'impose. 
Mais  peut-être que ce dont nous avons besoin, c’est moins de temps que d’espace. De l’espace, c’est-à-dire un rapport plus ouvert, plus méditatif à ce que nous faisons. 

C’est ce que nous entraînons en pratiquant la méditation. En donnant de l'attention à notre corps, à notre souffle, à notre coeur, à ce que nous sommes en train de faire, nous ne sommes plus une machine qui abat une tâche après l’autre pour en avoir fini.  

Nous sommes présents à nous-mêmes et à ce que nous faisons et le temps de notre travail devient spacieux, il devient l’espace où  nous nous retrouvons, entièrement.

Dominique Sauthier
Genève

mardi 1 mars 2016

Avoir la tête libre, être présent.*

Georges Braque
Pratiquer la méditation aujourd’hui, ce n’est pas forcément se convertir à une nouvelle religion, renier ses origines, rechercher des expériences mystiques.

Pratiquer la méditation aujourd’hui, c’est tout simplement faire en sorte d’être un peu plus présent à sa propre vie, d’être en capacité de voir la différence de qualité entre être présent et ne pas l’être.

Ce sont des expériences simples mais pourtant si difficiles à assumer au quotidien tant notre esprit est sous l’emprise du nombre infini d’informations qui y circule : des stimulations diverses, de multiples projections sur ce que sera demain, des sentiments d’angoisse refusant d’abandonner le passé. Autrement dit, l’envahissement permanent de notre esprit est causé par un désir tout-puissant de maîtrise et de contrôle.

Avoir la tête libre, c’est sortir de cet impasse en se donnant plus d’espace, la sensation de claustrophobie se dissipe peu à peu, les portes de notre esprit s’ouvrent à l’espace vaste du moment présent : l’environnement où on est situé, les personnes qui sont là, des indices sur la meilleure façon dont on pourrait s’y accorder.

La discipline du simple n’est pas la perspective dans le vent mais elle semble pourtant l’expérience libératrice par excellence pour notre temps.

Trêve de mots, mon coussin m’appelle !

Mathieu Brégegère
Paris