vendredi 14 avril 2017

On ne peut habiter qu’un poème. Sinon on erre.

Nous écoutons un poème.
Ce sont des mots. Mais d’abord des sons. Des mots qui sont comme des notes.

Avec des S qui sifflent.
Avec des L qui lapent.
Avec des R qui rappent et des K qui claquent.

Des mots qu’on ne comprend pas. Qu’on ne cesse jamais de comprendre. Toujours autrement.
Des mots qu’on entend. Sans jamais finir d’en saisir le sens. Des mots qui sonnent et résonnent. Ouverts.

Des mots énoncés, proclamés. Qu’on ne peut pas lire juste pour soi-même.
L’instrument du poète : sa voix. Celle-ci est grave, sombre, chargée du poids du siècle. Sombre et légère. Lourde et fluette. Fragile. Si fragile. Un souffle trop brusque pourrait la faire fuir. Mais solide. Un sol sur lequel reposer. Solide parce que fragile. Un abri. Le lieu où habiter.

On ne peut habiter qu’un poème. Sinon on erre. Seul le poème nous relie. Aux autres, au monde, au ciel et à la terre. Sans poème, pas de sol. Ça se disperse. Ça s’éparpille. Ça se renverse. Ça n’a plus de mesure. Le poème donne la mesure. Après on est libre. On a sa propre écoute. La même pour tous.

Le poème. Le même pour tous. Ensemble. Et pour chacun. Le même. En propre.

Benjamin Couchot
Dinard

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